Qu’est-ce qu’une communauté ?
Cette fois ci c’est le vrai départ qui approche, dans trois jours je m’envole pour l’Uruguay, dans trois petits jours de rien du tout, et ça fait déjà trois jours que je me réveille et que je me couche avec la boule au ventre. Je suis dans la file d’attente pour le grand huit, impatiente de monter, mais prête à rebrousser chemin à chaque minute.
Mon immersion à Rédéné (Bretagne) m’a permis de bien mieux comprendre le quotidien d’un.e compagnon.ne au sein d’une communauté Emmaüs en France. En effet, avant de partir à l’autre bout du monde, nous avons toutes commencé notre mission dans une communauté française, pour mieux comprendre comment fonctionner les différents groupes, et avoir une expérience de terrain avant de partir. Et c’est ce quotidien que j’avais envie de vous partager dans cet article : Qu’est ce qu’une communauté ?
Je crois que c’est une des questions qui m’a le plus donné envie de faire cette mission au sein d’Emmaüs. Qu’est ce qui fait que dans ces groupes, les personnes puissent s’auto-qualifier de communauté ? Qu’est ce qui leur permet de créer un lieu de vie commun, un environnement de partage, d’échanges et de convivialité ?
Alors j’ai décidé de poser la question au cours de mon immersion, et notamment à l’intervenante sociale qui travaille depuis plus de 10 ans au sein de la communauté de Rédéné. Au début je l’ai un peu prise de court, mais elle m’a vite répondu : « Pour moi une communauté c’est vivre ensemble, c’est faire de nos différences de parcours de vie, une force pour marcher dans la même voie, qu’on est un objectif commun qui nous lie, le travail au sein de la communauté. ». Et puis un peu plus tard, elle m’a parlé du fait que pour le 1 novembre, iels s’étaient rendu.e.s sur la tombe des compagnon.ne.s de la communauté. Il existe donc une tombe commune pour celleux qui ont travaillé ici. Le partage va jusque là. Pour certain.ne.s, Emmaüs a permis d’acquérir de nouveau une identité, une dignité, des proches, de sortir de l’exclusion et de la solitude.
D’un point de vue plus historique :
La première communauté a été créé en banlieue parisienne, en 1949, à Neuilly-Plaisance, par l’abbé Pierre, accompagné de George Legay, et de Lucie Coutaz. Ici, étaient alors accueillis des personnes sans-abris, qui venaient travailler pour la journée sur le chantier de construction de la première cité d’urgence. Lorsqu’en 1951 l’abbé Pierre quitte le Parlement, les fonds manquent rapidement, et un compagnon a l’idée de faire les poubelles. C’est à partir de là que l’activité de récupération, de tri, et de recyclage prend effet avec les chiffonniers.
C’est seulement en juillet 2009 que les communautés Emmaüs se voient octroyer en France le statut OACAS, qui permet de reconnaître le travail des compagnon.ne.s et de leur donner accès à de nombreux droits (1). Depuis 2018, ce statut permet également aux compagnon.ne.s d’avoir accès plus facilement à un titre de séjour au bout de trois ans de travail au sein des communautés via les cartes « vie privée et familiale » (VPF), « salarié » ou « travailleur temporaire » (2).
D’un point de vue plus pratique :
Les communautés Emmaüs accueillent aujourd’hui près de 3 880 compagnon.nes en France. Elles constituent des lieux d’accueil, de vie, de travail et de solidarité qui fonctionnent uniquement grâce à l’activité de récupération des compagnon.ne.s d’Emmaüs, des personnes exclues accueillies de façon « inconditionnelle » pour une durée indéterminée. Les communautés Emmaüs ne reçoivent aucune subvention de fonctionnement, leurs revenus proviennent essentiellement des mobiliers récupérés chez les particuliers (meubles, vêtements, bibelots, vélos), qui après restauration, font l’objet de reventes à bas prix.
Voici une journée type dans la vie d’un.e compagnon.ne à Emmaüs :
7h-7h30 : Réveil
7h-8h : Petit déjeuner commun
8h : Début de la journée de travail
9h-9h20 : Pause café
9h20-12h : Session de travail ; tri, chargement de camions, mise en rayon des dons
12h-13h30 : Repas partagée et pause
13h30-16h : Session de travail, vente, caisse, conseil, mise en rayon, tri, recyclage, chargement et déchargement des camions de dons…
16-16h20 : Pause
16h20-17h : Session de travail
19h : Repas partagé
19h30 : Temps personnel
PS : Bon c’est vrai je suis déjà arrivée à Montevideo et j’en suis ravie, j’ai pris un peu de retard dans la publication de cet article. J’ai hâte de vous partager mon expérience dans les groupes d’Amérique latine con « Amor y Buen Humor ».
(1) Dépliant d’Emmaüs France sur le statut OACAS : http://emmaus72.fr/wp-content/uploads/2015/11/OACAS-d%C3%A9pliant-externe-nov2015.pdf
(2) La moitié des compagnon.ne.s des communautés Emmaüs en France sont des personnes en situation irrégulière.
Volontaire de la Session 25 de Echanges et Partenariats, je suis envoyée par Emmaüs International dans les groupes d’Amérique latine du mouvement : Uruguay, Argentine, Chili, Pérou, Brésil, Colombie.
Cette mission, s’articule autour du plaidoyer politique des groupes et de la rédaction d’un rapport mondial exposant les revendications du mouvement composé de 425 associations locales, dans 41 pays différents.