2020, année noire pour Jérusalem
Arrivée à Paris en septembre, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai commencé ma mission de service civique au sein de l’Association France Palestine Solidarité en partenariat avec la Coalition Civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem. En raison de la crise sanitaire, je n’ai pas pu partir à Jérusalem mais je travaille avec eux à distance depuis le siège de l’AFPS à Paris.
Cette mission représente pour moi la continuité de mon engagement dans la défense des droits fondamentaux. En 2015, j’ai effectivement travaillé dans le camp de réfugiés de Calais où j’assurais les redistributions de nourriture et de vêtements. Particulièrement sensibilisée à la cause palestinienne, j’ai décidé en 2016 de partir pendant mes vacances scolaires en Palestine afin d’être bénévole au sein de l’association Laylac dans le camp de réfugiés de Deheisheh. J’y ai appris beaucoup de choses, notamment sur la lutte anticoloniale, le droit à l’autodétermination et la résistance palestinienne. J’ai alors décidé d’étudier le droit à la suite de cela. Enfin, en 2017 dans le cadre d’une recherche menée sur la mémoire des femmes dans la guerre civile libanaise, je suis partie au Liban afin d’étudier le rôle qu’avaient eu les femmes dans la guerre civile et la mémoire qui en avait été faite.
L’objectif général de cette mission de service civique est la défense des droits des palestiniens. Celui-ci partage mon travail en deux axes : l’appui au groupe de travail de l’AFPS « La Jeunesse avec la Palestine » et l’appui au travail mené par la Coalition civique concernant les démolitions, les expulsions et le transfert forcé de la population palestinienne de Jérusalem par Israël.
Je parlerais ici plus longuement de ma mission concernant Jérusalem.
A la fin du mandat britannique, les Nations unies débattent en 1947 du statut de Jérusalem. Ils recommandent à l’occasion de la résolution 181 du Conseil de sécurité de novembre 1947 que Jérusalem reste indivise et soit placée sous contrôle international : « La Ville de Jérusalem sera constituée en corpus separatum sous un régime international spécial et sera administrée par les Nations unies. Le Conseil de tutelle sera désigné pour assurer, au nom de l’Organisation des Nations unies, les fonctions d’autorité chargée de l’administration”. Toutefois, aucun consensus autour du statut de Jérusalem n’est établi. Après la guerre des six jours en 1967, Israël occupe illégalement le Sinaï, la bande de Gaza et la Cisjordanie dont Jérusalem-Est et la vieille ville. Le Conseil de sécurité ordonne dans sa résolution 242 du 22 novembre 1967 la nécessité du : “i) retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ; (ii) Cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force. ». Concernant Jérusalem, Israël annexe environ 70 km² de territoire de la Cisjordanie qui sont désormais connus sous le nom de Jérusalem-Est – et étend son droit national dans la partie occupée notamment avec l’adoption par la Knesset en 1980 d’une loi fondamentale disposant que « Jérusalem, une et indivisible, est la capitale d’Israël ».
De facto, Jérusalem-Est est toujours occupée en 2020 par Israël au mépris du droit international humanitaire et des droits des humains. Cette mission de service civique s’inscrit alors dans un contexte particulièrement inquiétant. Plusieurs événements ont accéléré la colonisation israélienne de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, empirant les conditions de vie des palestiniens.
-Tout d’abord, le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem par l’administration Trump en décembre 2017. Cette décision, peu surprenante car elle faisait partie de ses promesses de campagne, crée un dangereux précédent. Elle encourage la colonisation et l’annexion des terres palestiniennes occupées et elle donne le feu vert à d’autres Etats pour faire de même. C’est ainsi que des pays d’Amérique du Sud comme le Guatemala et le Paraguay mais également des pays du continent africain comme le Soudan ont déplacé leur ambassade à Jérusalem à la suite de la décision de Donald Trump. La signature de l’Accord de la décennie entre les Etats-Unis et Israël et le rapprochement entre les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn et Israël dans un contexte de fortes tensions avec l’Iran n’ont fait l’objet d’aucune sanction de la communauté internationale alors qu’ils légitiment le gouvernement de Netanyahou dans sa colonisation et son annexion des territoires palestiniens occupés et qu’ils encouragent le transfert forcé de la population palestinienne.
-Une autre nouvelle très préoccupante : le rapprochement entre le Maroc et Israël annoncé par Donald Trump le 10 décembre.
L’objectif des autorités israéliennes ici est clair : modifier la composition démographique de Jérusalem afin de créer une supériorité juive israélienne de 70% et une minorité arabe palestinienne de 30% (la doctrine : « le plus de terres possible avec le moins de palestiniens »). Deux dynamiques sont à l’œuvre : d’un côté, le transfert forcé de la population palestinienne avec l’établissement de lois discriminatoires concernant les expulsions, les démolitions, les arrestations et les révocations de carte de résidents. De l’autre côté, la création d’une continuité territoriale entre Jérusalem-Ouest et les colonies établies en territoire occupé via un réseau de routes, de tramway, l’application du droit israélien dans les colonies et la construction du mur.
Le droit international est violé depuis de nombreuses années par les autorités israéliennes. La communauté internationale condamne toujours mais ne sanctionne jamais. Deux plaintes ont été déposées par la Palestine après le déplacement de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem : une auprès de la Cour Internationale de Justice contre les Etats-Unis et une à la Cour Pénale Internationale contre Israël. Affaire à suivre.
Étudiante en master à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), je suis également volontaire au sein de l’Association France Palestine Solidarité.