SAMOS – Winter is coming !

Je n’ai pas réussi à écrire au cours des derniers mois. L’intensité du quotidien a pris le dessus. Mais avant de partir, je souhaitais partager avec vous quelques pensées.

Vue de la partie gauche de la « jungle » – 28.09.19

Vathy, 28/09/19. L’hiver arrive. L’hiver pointe doucement son nez. Malgré un soleil toujours aussi rayonnant, les soirées se font plus fraîches et les baignades plus rares.

Sur le camp, tout le monde s’active pour renforcer les tentes trop fines pour se protéger de la pluie et du froid. Dans les rues, il est devenu normal de croiser des gens avec des palettes sur la tête ; en train de faire les poubelles afin de trouver n’importe quel carton, bois ou matériau qui pourrait rendre ces tentes de misère un peu plus solides et isolées.

Sur le camp, les bruits de marteaux résonnent un peu partout. La pluie de lundi a annoncé la couleur. Il va y avoir de la pluie, de la pluie et encore de la pluie. Certains s’apprêtent à passer leur deuxième hiver à Samos ; et tous en ont gardé de très mauvais souvenirs. Alors on se prépare et on hausse toutes les tentes sur des palettes.

Lundi, certains ont dû vider leur tente inondée à coup de grands sceaux. D’autres on vu leur refuge complètement détruit par les pluies torrentielles et n’ont eu d’autre choix que de tout reconstruire le lendemain. Ceux qui ont réussi à épargner un peu des 80 euros reçus chaque mois achètent des bâches plus résistantes. Malheureusement, presque personne ne pourra se payer le luxe d’un radiateur. Alors il faut en mettre des tapis, des cartons et des couvertures pour tenter d’isoler cet habitat de fortune.

Si les rats, les serpents et la chaleur rendaient déjà cet endroit insoutenable ; l’image de la pluie dévalant les pentes et la sensation de l’humidité s’incrustant à chaque endroit me donnent la nausée. Comment peut-on accepter un lieu si vide d’humanité ?

Photo prise cet été par des résidents du camp

Et pourtant les 5600 âmes condamnées à survivre ici restent dignes et construisent, reconstruisent chaque jour.

Winter is coming et les arrivées ont atteint des chiffres records en ce mois de septembre. Les transferts vers la Grèce continentale sont toujours limités alors c’est un euphémisme de dire que ce camp, prévu pour 648 personnes, déborde avec ses plus de 5600 occupants. Pour que vous ayez un ordre d’idée, je vous fait part des derniers chiffres publiés par le Haut Commissariat aux Réfugiés : la semaine du 2 septembre, 621 personnes sont arrivées à Samos, la semaine du 9, 181 et celle du 16, 544.

31 % des personnes du camp sont originaires d’Afghanistan, 22 % de Syrie 14 % de la République Démocratique du Congo, 10 % d’Irak, 3 % de Palestine. La nationalité des 20 % restants n’est pas mentionnée (une des nombreuses aberrations de l’administration qui ne précise pas les différentes nationalités du continent africain et généralement mentionne : autres = Afrique).

29 % de la population du camp est constituée d’enfants. 18 % de ces enfants sont non-accompagnés. Je pense qu’on est en droit de se demander à quel moment, ces chiffres ont arrêté de choquer nos dirigeants ?!

J’espère qu’un jour dans les livres d’Histoire, on pourra lire que l’Europe a honteusement accepté et normalisé l’encampement.
Que l’Europe a décidé qu’il était justifié de priver de liberté toute personne n’ayant pas eu la chance de naître avec le bon passeport.
Que l’Europe, plutôt que de pleurer les morts aux frontières a préféré faire perdurer une bataille virulente entre ses États membres quant au « partage du fardeau » des demandeurs d’asile.

Que l’Europe a alloué des sommes colossales à la gestion des frontières, au renforcement de ces dernières et aux politiques de déportations afin de défendre de supposées « valeurs européennes ».

A Samos l’hiver arrive et une fois de plus l’Europe regarde ailleurs.

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