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Bosnie-Herzégovine / Mobilisations citoyennes /

Bienvenue en Republika Srpska
19 mars 2012 par Viviane

En décembre 1995 les Accords de Dayton mettaient fin à la guerre et reconnaissaient le territoire de la Republika Srpska [1], lui conférant le statut de République et lui accordant 49% du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

Le premier mars dernier la Bosnie-Herzégovine fêtait ses 20 ans d’indépendance. Cette fête est uniquement célébrée en Fédération. De son côté, la République Serbe ne reconnaît pas cette fête de l’indépendance de la Bosnie et a fêté les 20 ans de sa création le 9 janvier 2012, fête non reconnue en Fédération. La Bosnie Herzégovine, un seul est même pays est pourtant clairement divisée en deux entités. D’un côté la Fédération de Bosnie-Herzégovine. De l’autre, la Republika Srpska.

Je ne me rendais pas compte.

Je ne me rendais vraiment pas compte avant de venir ici à quel point la Bosnie est divisée en deux parties. La Fédération de Bosnie-Herzégovine d’un côté, la Republika Srpska de l’autre.

Arrivée à Banja Luka, plus grande ville de Republika Srpska et deuxième ville du pays en terme de nombres d’habitants après Sarajevo j’ai vite compris qu’ici les choses étaient différentes. Ici on est Serbe et on parle serbe. Sur les murs des tags représentant la Republika Srpska oubliant l’autre partie du pays. Des tags représentent le visage de Mladic. Le paysage change : on trouve des églises orthodoxes aux quatre coins de la ville. En Republika Srpska j’ai appris qu’ici la liberté des médias n’existe pas. Que les médias, tenus par les partis politiques usent de la division pour manipuler les gens [2] . Que des actions comme celle du groupe Ostra Nula sont passées sous silence. Que la corruption sévit à chaque niveau de la société, des portes de l’école aux plus hautes institutions de l’État. J’ai appris que les lieux de discussions et de débats sont rares. J’ai appris que lorsqu’on est jeune activiste et qu’on veut changer les choses on a peur. Peur de perdre son travail quand on a la chance d’en avoir un. Peur de ce qu’il pourrait arriver à notre famille. Peur de se voir interpeller par la police et placer en garde à vue sans réel fondement. J’ai appris qu’il n’était pas bon de poser trop de questions. J’ai appris que le nationalisme serbe est encore bien présent et actif. J’ai senti la gêne des gens que j’y ai côtoyé face à mes interrogations sur certains murs tagués de la ville. Tags fascistes, nationalistes, revendications pour que le territoire de la Republika Srpska intègre la Serbie. J’ai appris que même certains des militants que j’ai côtoyé durant mon séjour de deux jours, des jeunes qui se battent pour le changement, pour plus de démocratie et pour l’égalité des droits dans leur pays ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo qui pour eux n’est qu’une région de la Serbie. J’ai appris qu’il y a des pays qu’on appelle démocratie. Des pays où l’on vote des lois et où on les applique et des pays qui ne sont qu’une imitation de la démocratie. Des pays où on vote des lois qu’on n’applique pas.

« Notre pays est un État artificiel. Non fonctionnel. Une imitation de la démocratie. Vous vous faites des lois et vous appliquez ces lois. Pour moi c’est cela la démocratie. Nous ont vote des lois, mais personne ne les applique [3] . Nous ne sommes qu’une vaste imitation de la démocratie. Nous avons un État divisé en deux entités. 14 gouvernements. 3 communautés religieuses majoritaires. Croates catholiques, Serbes orthodoxes et Bosniaques. Nos vies ne sont qu’une imitation de la vie. Chacun se préoccupe de sa petite vie. Avoir une nouvelle paire de chaussures, une belle montre, la plus belle voiture. Voici les préoccupations quotidiennes de mes concitoyens. Ils ne voient pas au-delà. Ne se préoccupent pas des véritables problèmes de notre société. » Me disait un des militants de l’association Ostra Nula.

Et les politiques ont font également leur jeu. Ils contrôlent les médias, la population, la justice, la police. Vivent de la corruption et se satisfont de ce système. Continuent de porter le focus sur la guerre car il est plus facile de gouverner une population divisée. Car c’est le meilleur moyen d’éloigner la population des véritables problèmes actuels.

Il semblerait que le chemin soit encore long dans une société où le gouvernement même est divisé en trois communautés [4]. Où les médias, manipulés par les politiques, continuent de porter le focus sur la guerre car c’est la meilleure façon de conserver les divisions et parce que garder le focus sur le passé permet de ne pas laisser de place aux problèmes actuels.

Comme me disait ce militant d’Ostra Nula « Le chemin à parcourir reste encore long. Nous sommes au début du processus de démocratisation. Il faut du temps. Il faut du temps pour que les habitants de notre pays comprennent ce qu’ « être citoyen » dans une société veut dire. »


Notes

[1] Également appelée République serbe, ou pour éviter les confusions avec la Serbie, la République serbe de Bosnie.

[2] Petite nuance ici : c’est également le cas en Fédération

[3] Tel est le cas par exemple de la loi anti-tabac votée en 2008 et non appliquée. Un exemple parmi tant d’autres. Pour en savoir plus à ce sujet : http://balkans.courriers.info/artic...

[4] Selon l’article V de la Constitution, la Présidence comprend trois membres : un Bosniaque et un Croate tous deux élus par le peuple de la Fédération et un Serbe élu par le peuple de la République serbe de Bosnie. Leur mandat est de quatre ans. Chacun d’entre eux assure à tour de rôle les fonctions de président de la Présidence pour une durée de 8 mois.



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