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Espagne / Justice sociale et écologique /

La crise de la dette espagnole impacte le secteur de l’eau
19 mars 2012 par Lucie

Afin d’éponger leurs dettes, les municipalités espagnoles privatisent à tour de rôle les services hydriques. Une fois de plus, la loi du marché l’emporte sur la justice sociale et environnementale.

Le service de l’eau espagnol est partagé entre les municipalités (52%), les entreprises publiques (12%) et les entreprises privées (36%). Si l’Espagne ne se distingue donc pas en la matière de ces voisins européens, elle est cependant en bonne voie pour devenir un des pays européens où la gestion privée est la plus importante. En effet, depuis quelques années, les privatisations dans le secteur de l’eau s’y succèdent et 5 ont encore été annoncées l’année dernière. Deux entreprises dominent 90% du marché privé, AGBAR (contrôlée par Suez) et FCC.

Pourquoi une telle vague de privatisation ?

Les autorités publiques clament qu’il s’agit d’améliorer la qualité du service. Le gouvernement de la Communauté justifie par exemple le projet d’ouverture du capital de l’entreprise publique Canal Isabel II par le besoin de réaliser « un grand effort supplémentaire dans l’investissement en nouvelles infrastructures et procédés technologiques, et qu’il est nécessaire pour cela de capter des ressources économiques extérieures qui [lui] permettra de faire face aux investissements en infrastructures et aux développements nécessaires pour gérer de manière efficace et efficient le service complet du cycle hydrique ».

Il est certain qu’on dénombre toujours fuites d’eau et autres points qui mériteraient d’être révisés. Mais l’argument ne tient pas étant donné qu’à Madrid comme ailleurs dans la pays, la gestion publique s’avère de meilleure qualité et génère des bénéfices. Dernièrement, une étude [1] a comparé la gestion de 28 entreprises publiques et 24 entreprises privés pour conclure la supériorité des premières. Qu’est ce qui pousse donc les municipalités à privatiser des entreprises efficaces et modernes telles que Canal Isabel II ou encore Aiges Ter-Llobregat (ATLL) et la Agencia Catalana del Agua ?

Outre l’idéologie néolibérale (persistante malgré la crise) selon laquelle le marché est un bien meilleur gestionnaire que l’État, il s’agit en réalité de trouver le plus vite possible de nouvelles sources financières afin d’éponger les dettes publiques. En effet, la formule de privatisation la plus utilisée est la concession de services par laquelle la compétence et la responsabilité demeurent entre les mains des municipalités ou collectivités locales mais la gestion est assurée par un acteur privé. Pour obtenir le droit de gestion, l’entreprise privée doit s’acquitter d’une redevance qui, en période de crise économique aiguë, représente une véritable poule aux œufs d’or. Pour obtenir la concession de la ville d’Avilés, Aquagest a versé 37 millions d’euros à la municipalité. Avec 15.191 millions d’euros de dette, la troisième plus élevée des régions du pays, on comprend mieux pourquoi la Communauté de Madrid souhaite privatiser Canal Isabel II.

Des privatisations contre la justice sociale et environnementale

Bouffée d’oxygène pour les municipalités étranglées par les dettes, les privatisations s’inscrivent toutefois dans une logique court-termiste qui bénéficie au final qu’aux seuls acteurs privés. A travers elles, les utilisateurs du service public deviennent des clients. Il ne s’agit alors plus d’assurer l’accès de tous à un service de qualité à un prix raisonnable mais au contraire de tirer le maximum de profit. Et prioriser les retombées économiques se paie par la fin des mesures de justice sociale et environnementale antérieures.

La concurrence ne joue pas dans ce secteur ultra monopolisé. Les consommateurs voient donc leur facture d’eau gonfler et non l’inverse. De facto, tous les exemples démontrent une hausse continue des tarifs suite aux privatisations. L’entrée d’Aquagest (filiale d’AGBAR) dans le capital de l’entreprise publique de León (une des mieux gérées du pays d’après l’Organisation des Consommateurs et des Usagers) fin 2009 a entraîné une augmentation immédiate de 2,8% pour 2010. De même, à Huelva, la privatisation s’est soldée par une hausse de 14,4% en un an seulement.

Or, alors que les entreprises publiques réinvestissent les profits dans le service hydrique ou dans des projets d’utilité publique, les entreprises privées priorisent quant à elles le portefeuille des actionnaires. La privatisation à Madrid sonnerait ainsi le glas du fonds public alimenté par les profits de Canal Isabel II -152 millions de euros en 2009- et de la construction d’infrastructures d’intérêt général tel que le Théâtre du Canal inauguré il y a 4 ans. Et si les municipalités ne reçoivent pas leur part des bénéfices, elles n’en arrêtent pas moins d’investir dans le service. Ainsi, bien qu’elle espère privatiser sous peu Canal Isabel II, la Communauté de Madrid prévoit d’investir 425 millions de 2012 à la société, soit 68% de tous les investissements du secteur public.

De même, si les privatisations sont souvent suivies d’une baisse de la qualité de l’eau, elles entraînent aussi la fin de toute mesure jugée inutile et superflue telle que celles destinée à économiser cette ressource rare. D’une part, lutter contre les fuites à un coût, et d’autre part, dissuader la population de gaspiller par un système de taux de prix [2] et des campagnes de sensibilisation va à l’encontre de la logique de profit (puisque plus de consommation signifie plus de profit). Outre la baisse de 30% de la consommation par habitant sur 15 ans grâce aux investissements dans la réduction des pertes dans les réseaux de distribution, les campagnes de sensibilisation citoyenne effectuées par l’entreprise elle-même se sont traduites en une baisse de la consommation estimée entre 10 et 15%.

Enfin, les politiques de protection de l’environnement ne seront plus une priorité. La construction de deux barrages inutiles est par exemple déjà dans les cartons de la potentielle privatisation de Canal Isabel II.

Étant donné les précédents à l’étranger mais aussi en Espagne, on comprend l’ampleur des mobilisations contre cette vague de privatisations.


Notes

[1] Étude réalisée par le Département d’Économie Appliquée de l’université de Sciences Économiques et de Commerce de l’Université de Grenade.

[2] Par ce système, l’eau est plus chère au delà de certains seuils de consommation. En pénalisant les grands consommateurs, des taux de prix encouragent une consommation plus rationnelle.



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