Frontex, "quésaco" ?
Frontex, c’est l’agence de l’Union Européenne qui est chargée de surveiller les frontières extérieures de l’Europe. Les 27 états membres de l’UE font partie de l’espace Schengen (à l’exception du Royaume-Uni) à l’intérieur duquel à été instauré la libre circulation entre ces états, et la suppression des contrôles aux frontières internes [1] . L’Union Européenne en est venue à créer une police européenne pour lutter contre l’immigration dite « illégale » : Frontex. [2] . Je vais essayer de faire ici une présentation de l’agence Frontex, le contexte de son émergence, ses missions et son fonctionnement, et finalement les critiques dont elle fait l’objet au regard du respect des droits humains. Quand et pourquoi l’agence Frontex a-t-elle été créée ?En 1999, lors du Conseil Européen de Tampere, les chefs d’états des pays membres, ont décidé de faire du contrôle des frontières extérieures une priorité et d’harmoniser les politiques d’asile et d’immigration à l’échelle européenne. Lors de ce sommet l’accent a été mis sur la coopération avec les pays « tiers » [3] en ce qui concerne la gestion des flux migratoires.
En quoi consistent les missions de Frontex ?Frontex intervient aux frontières terrestres, aériennes et maritimes de l’Europe : elle a, par exemple déployé des opérations en Méditerranée, à la frontière entre la Grèce et la Turquie, ou encore dans des grands aéroports européens. Le personnel de Frontex est constitué de gardes frontières de tous les pays membres. Ils-elles sont mobilisé.e.s pour effectuer différents types de missions :
Pour exemple, Frontex a déployé une équipe en mars 2011, lorsque les arrivées de bateaux de migrant.e.s se sont multipliées suite aux révolutions dans les pays sud de la Méditerranée. Les agents Frontex ont assisté l’Italie dans sa mission de surveillance des frontières, mais aussi d’identification de la nationalité des migrant.e.s pour pouvoir ensuite procéder à leur expulsion. Que lui reprochent les associations de défense des droits de l’Homme ?Les différentes violations des droits fondamentaux commises par Frontex dans le cadre de ses activités aux frontières de l’Europe ont été pointées à plusieurs reprises par différentes organisations, parmi lesquelles Human Rights Watch (HRW) ou encore le Haut Comité pour les Réfugiés (HCR). Parmi ces violations, on peut dénoncer le non respect du droit d’asile. Toute personne qui craint, dans son pays, d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, a le droit de demander la protection internationale [6] dans un autre pays, en tant que réfugié, c’est ce qu’on appelle le droit d’asile.
Ainsi, le droit international interdit de renvoyer une.e migrant.e dans un pays où sa vie ou sa liberté pourraient être menacées, en vertu du principe de non-refoulement.
Autre violations des droits : l’entrave au droit de quitter tout pays y compris le sien. C’est un droit inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme . Pourtant, l’orientation des politiques européennes d’immigration tend à faire peser la responsabilité de la surveillance des frontières sur les pays tiers, à travers des accords de coopération. Ainsi, peu à peu se crée un délit « d’émigration » qui va à l’encontre du droit international. Frontex s’inscrit aussi dans cette logique puisque l’agence signe elle aussi des accords avec des pays « tiers » qui lui permettent d’effectuer des opérations de surveillance, jusque dans les eaux territoriales de ces pays, pour prévenir les départs de bateau. Si ce sont les deux principales violations que l’on peut relever, elles ne sont pas les seules, Frontex se rend aussi coupable de traitements inhumains et dégradants, comme l’attestent des témoignages de migrant.e.s (violences, humiliations, conditions de rétention inhumaines, expulsions collectives…). Ce qui est aussi reproché à Frontex, c’est son manque de transparence. Cette agence est entouré d’un flou juridique qui la dégage de toute responsabilité lui permettant ainsi de pas avoir à rendre de compte en cas de violations des droits. Dans son règlement, il est clairement stipulé que l’opération reste sous la responsabilité de l’état membre hébergeant (Frontex se contente de coordonner), pourtant, l’agence est dotée d’une personnalité juridique qui lui permet de signer des accords avec des pays tiers, des laboratoires de recherche…On ne sait donc à qui s’adresser en cas de violations des droits : est-ce les états qui assument les responsabilités des actes des agents de Frontex, ou bien est-elle une agence indépendante qui doit en répondre directement ? C’est donc une véritable dilution des responsabilités qui est au cœur du fonctionnement de cette agence, offrant un terrain propice aux violations des droits des migrant.e.s, à l’abri des regards et de tout contrôle démocratique.
Notes [1] La Suisse, l’Islande et la Finlande font aussi partie de l’Espace Schengen mais ne sont pas membres de l’Union Européenne. [2] Si le terme d’immigration « illégale » est abondamment utilisé dans les médias, il est à mettre entre guillemets car c’est un terme connoté négativement et criminalisant pour les migrant.e.s. Rappelons que le fait de ne pas avoir de papiers en règle est un délit, voire une simple infraction en fonction des législations nationales mais ne fait pas de la personne un « illégal ».Il faut lui préférer le terme de personne en situation irrégulière. [3] Le terme de pays « tiers », est largement utilisé pour désigner des pays extérieurs à l’Union Européenne, avec qui Frontex collabore. Ce sont généralement des pays africains, du Proche-Orient ou encore d’Europe de l’Est (hors UE), régions de départ ou de transit sur les routes migratoires vers l’UE. La dénomination de pays « tiers », bien que répandue, reste critiquable à mon sens, car on peut y voir un aspect péjoratif de secondaire ou périphérique, il n’existe pas d’autres termes satisfaisants à ma connaissance. [4] Rapid Border Intervention Team [5] Avec le nouveau règlement, cette particularité sera néanmoins étendue à tous les autres types de mission : tous les agents Frontex auront le droit de porter une arme. [6] Ce droit est consacré dans la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, définissant les modalités selon lesquelles un État doit accorder le statut de réfugié aux personnes qui en font la demande. [7] Sur ce point, on peut ajouter que la Libye, n’a pas ratifié la convention de Genève, et ne s’est donc pas engagé à respecter le droit d’asile. On ne peut donc être sûr que les migrant.e.s refoulé.e.s vers la Libye ne seront pas renvoyés dans un pays où leur vie est en danger. La Libye est un pays étape pour des réfugié.e.s des pays de la corne d’Afrique (Somalie, Erythrée, Soudan) qui sont des zones de conflits. |
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