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La colère monte après Pinheirinho
4 février 2012 par Juliette

Une dizaine de jours après l’évacuation extrêmement violente de "Pinheirinho" à São José Dos Campos, dans l’État de Sao Paulo, la colère monte et les voix sont de plus en nombreuses à s’élever pour réclamer que lumière et justice soient faites sur les conditions et les conséquences de l’évacuation.

Expulsion violente

Le matin du 22 janvier dernier, 2000 hommes de la Police Militaire de Sao Paulo entraient armés, à cheval, accompagnés de chiens et d’hélicoptères dans le Pinheirinho pour en évacuer ses 9000 habitants. Après 24h d’affrontements, le quartier était vidé et les habitants relogés dans un campement temporaire.

Officiellement, l’expulsion n’aura laissé "que" 23 blessés, mais très vite, suite à la diffusion de photos, de vidéos et de témoignages, la controverse monte et certains parlent même de morts (c’est le cas du président de la Commission des Droits de l’Homme de l’Ordre des Avocats du Brésil -OAB-, Aristeu César Pinto Neto [1]). Quoiqu’il en soit, il est certain que l’expulsion a été extrêmement violente, la police ayant fait usage d’armes diverses (matraques, flashball, gaz lacrymogènes et armes à feu), les occupants de Pinheirinho parlent de personnes blessées par balles. Pourtant, aucun blessé de ce genre ne se trouve dans les registres des hôpitaux de la région et la Préfecture de Sao Paulo a démenti toutes les accusations d’homicide [2].

Naji Nahas, ou la justice au service de la corruption

Le terrain, occupé depuis 2004, appartient à Selecta, entreprise en faillite de l’homme d’affaires Naji Nahas, bien connu au Brésil pour ses agissements : corruption, blanchiment d’argent, on le considère même responsable du crash de la bourse de Rio de Janeiro en 1989. Naji Nahas est endetté auprès du gouvernement fédéral et bien que sa dette ait déjà été largement allégée par le Tribunal de Justice de Sao Paulo (passant de 6,5 millions de R$ à 20 mille R$), elle sert de justification à l’expulsion [3].

Pourtant, au Brésil le droit d’acquisition par l’usage (usucapião) en milieu urbain est de 5 ans et Pinheirinho a été occupé pendant plus de sept ans. Le délogement est en fait le fruit d’une décision du Tribunal de Justice de Sao Paulo, en contradiction avec le Tribunal de Justice Fédéral, lequel avait suspendu l’opération [4]. Même confusion à l’échelle des élus, le gouvernement fédéral comdamnant à demi-mots l’action de la Police Militaire tout en affirmant ne pas vouloir manquer de respect à l’autonomie de la Préfecture de Sao Paulo [5]. Le gouverneur de Sao Paulo, Geraldo Alckmin, membre du PSDB (Parti de la Social-Démocratie Brésilienne), a lui-même fait l’objet d’accusations de corruption dans une autre affaire : en 2008, le Wall Street Journal indiquait que les services de Police Suisse et Brésiliens enquêtaient sur son administration, qu’ils soupçonnaient d’avoir reçu des pots de vin visant à faciliter la désignation d’Alstom comme constructeur du métro de Sao Paulo.

Actions de solidarité et mobilisations

Les mouvements sociaux brésiliens ont très vite réagi, dénonçant la violence et l’illégitimité de l’expulsion, manifestant leur solidarité avec les expulsés. #Somos tod@s Pinheirinho (Nous sommes tou-te-s Pinheirinho), le message a circulé, palliant au silence des médias, trop prompts à enterrer l’affaire. Une caravane partie de Rio de Janeiro s’est rendue cette semaine auprès des expulsés, des rassemblements ont eu lieu dans les principales villes du pays. Un militant a débuté une grève de la faim il y a trois jours et campe depuis lors au pied du siège de Red Globo, le principal groupe médiatique du pays, réclamant que vérité soit dite à ce sujet.

Pinheirinho est un cas parmi beaucoup d’autres, mais il suscite de fortes réactions en ce qu’il symbolise l’écrasant pouvoir des financiers, comptant sur la complicité des pouvoirs publics et ce au détriment des populations les plus démunies. Il est ainsi acceptable de mettre à la rue plusieurs milliers de personnes (à ce jour aucune proposition de relogement n’a été faite), les expulsant violemment du lieu où elles ont vécu et travaillé, au profit d’un seul homme, dont le seul lien à cette terre reste le profit qu’il tire de sa spéculation.

La violence de l’acte donne à voir la véritable guerre qui est menée contre la pauvreté au Brésil, où régulièrement la Police Militaire pratique des descentes dans les Favelas pour les "pacifier" (on voit mal quel genre de paix peut advenir dans de telles conditions). La tenue à venir de deux "méga-évènements" (la Coupe du Monde de Football et les Jeux Olympiques) accélère le mouvement, il faut cacher la misère (déjà un mur longeant la route de l’aéroport a été construit, pour cacher les quartiers pauvres environnants), l’écarter des lieux d’intérêts (si la hausse du prix des logements liée à la spéculation immobilière ne s’en est pas déjà chargée), démolir pour reconstruire en excluant.

Face à cela les mouvements sociaux tâchent de s’organiser, les différentes organisations s’articulent, depuis les habitants eux-mêmes, en passant par les mouvements d’occupations, les syndicats, les partis politiques. C’est de l’autre face du Brésil qu’il s’agit : non pas celle de la "réussite" économique, ni celle de l’acteur montant sur la scène internationale, ou même celle touristique, des belles plages de la Zone Sud de Rio de Janeiro et du carnaval. Il s’agit de celle qui est laissée pour compte, criminalisée, exclue et réduite à la survie, celle au détriment de qui le boom économique a lieu.

"Pinheirinho peut tomber, mais Pinheirinho ne disparaitra pas pour tous ceux qui continueront de mener cette lutte. À partir d’aujourd’hui, Pinheirinho c’est nous tous [6]".




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