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Maroc / Travailleurs migrants saisonniers et agriculture paysanne /

L’ouvrier agricole marocain, laissé pour compte
8 février 2012 par Nidal

Dans la politique de développement agricole du Maroc visant l’intensification des productions fruitières et maraîchères vouées à l’exportation, la situation des ouvriers est laissée de côté. Pour être les plus compétitifs possible sur le marché international les entrepreneurs s’installent dans le pays qui permet un coup de production très faible. La rentabilité économique et la recherche de bénéfices écrasent les droits des salariés et les salaires sont réduits à une misère. Les accords entre l’Union-Européenne et le Maroc sur les investissements directs étrangers et la libéralisation des échanges des produits agricoles risquent d’amplifier ce phénomène que certains qualifient d’esclavagisme moderne. Dans leurs grandes majorités les autorités et le patronat ne prêtent pas attention à l’ouvrier agricole qui devrait s’estimer heureux d’avoir un travail et ne devrait pas tenter de mordre la main qui le nourris. Les cas de la plaine du Souss (région d’Agadir) ou de Dakhla (Sahara occidental) nous fournissent des exemples de la situation alarmante dans laquelle sont plongés les ouvriers.

Les conditions de vies

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La poussée démographique entraine une multiplication des constructions. Les maisons même non finies sont habitées.

Dans la plaine du Souss au sud d’Agadir, beaucoup de travailleurs sont originaires des montagnes de l’Atlas. Ils ont quittés leurs vies de paysans et de débrouilles à plusieurs centaines de kilomètres de là, dans l’espoir d’améliorer leurs existences en devenant salariés dans les serres de production de produits maraîchers. A l’arrivée, ils habitent autour des zones d’exploitations et commencent une vie difficile et précaire. D’après la recherche socio-économique [1] de Houria Elattaoui  [2] les ouvriers sont en majorité locataires de chambres. Il y a très peu de propriétaires et beaucoup vivent dans des habitations anarchiques. Un des exemples les plus frappant de ces conditions d’habitations étaient les « Douar mika » (des « hameaux plastique ») dans la plaine du Souss : en bordure des exploitations, les ouvriers avaient construit leur logis avec les restes des serres de cultures abandonnées. Avec le temps, la situation c’est améliorée et les parpaings ont remplacé le plastic.

Le transport des ouvriers

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Le moyen de trasport des ouvriers vers les serres. La nécessité d’être à l’heure sur le lieu de travail peut pousser les chauffeurs à prendre de gros risques. Les accidents sont fréquents. Le moi dernier on a compté deux morts parmi les ouvriers.

Ensuite il y a l’acheminement des ouvriers vers leur lieu de travail. A Dakhla, où les ouvrières sont logées à plus de deux heures de routes de certaines serres, le départ pour l’entreprise se fait à quatre heures du matin. Selon les mots de Hamid, ancien ouvrier, licencié pour avoir revendiqué ses droits, les femmes montent dans un pick-up, elles sont serrées « comme du bétail » et voyagent dans ces conditions matin et soir. Au syndicat de la Fédération Nationale du Secteur Agricole (FNSA-UMT) on nous confirme que la situation est la même pour les hommes et pour tout le pays. Les accidents de la route seraient nombreux. Les employeurs se dédouanent des éventuels cas de blessures ou de morts.

Les conditions de travail

Dans l’entreprise le travail est laborieux. Sous les serres il fait chaud et les pauses sont loin d’être respectées, certaines femmes doivent manger en cachette de peur d’être réprimées. Les conditions de sécurités sont très souvent ignorées. Les ouvriers entrent dans les serres sans délai après l’aspersion de produits chimiques dangereux, « et encore, avant on était dans la serre quand-ils répandaient les produits, on a dû se battre pour que les choses changent dans notre ferme » témoigne l’ancien ouvrier. Les produits chimiques sont également un problème pour les femmes enceintes et peuvent provoquer des fausses couches sachant que les femmes n’osent pas déclarer leur grosses de peur de perdre leur emploi. Hamid nous raconte également l’histoire de cette femme qui avait des problèmes respiratoires. Elle est morte d’étouffement, par manque de précaution lors de l’utilisation des produits chimiques. Puis il nous avoue que leurs supérieurs ont demandé aux ouvriers de la transporter hors de la serre, ceci a permis à l’entreprise de se dédouaner de toutes responsabilités.

Les salaires et la justice sociale

Les salaires sont également très faibles. Un ouvrier agricole gagne environ 60dhm/jour (soit 6€) alors que le salaire minimum dans les autres secteurs est de 90dhm/jour. Et après une journée de travail les ouvriers ne sont pas sûr de recevoir la totalité de leur paye, tout dépend du jugement du supérieurs, s’il estime que la tâche n’est pas bien accomplie, il peut rogner sur les salaires. C’est illégal, mais l’ouvrier est désarmé contre ce genre de pratiques. C’est pourquoi les voix s’élèvent et les protestations se multiplient.

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Procès verbal adressé à Hamid. "vous avez reffusé délibérément et sans justification valable ... d’éxecuter un travail ... ce qui s’est traduit par une perte financière estimée à 15 millions de dirhams."

Cependant, à cause d’un vide juridique et d’un manque d’information, la justice se range du côté du patronat. Au syndicat on nous explique que les instances judiciaires interviennent toujours en faveur des entrepreneurs. De plus, les démarches d’intimidations existent à tous les niveaux (au sein de l’entreprise, dans l’administration et la justice) pour étouffer les réclamations des ouvriers. Hamid a reçu sa lettre de justification de licenciement lui expliquant qu’il aurait fait perdre 15 000 000 de Dirham à son entreprise (un million cinq cents mille euros) pour avoir protesté en refusant le travail. La justice a refusé de donner suite à sa plainte après son renvoi... Mais alors, les revendications syndicales ne seraient qu’une farce ? L’ouvrier agricole serait-il tout puissant ? Les entreprises serait-elles menacées ? Il est évident que non, le nombre de serres dans les plaines est en constante augmentation. Bien que nous n’ayons pas de chiffres clairs sur le nombre d’entreprises nous savons que les investissements directs étrangers dans le domaine agricole sont passés de 2 millions à 24 millions de Dirhams de 1973 à 2006. Cette lettre adressée à Hamid pourrait presque faire sourire tan elle est absurde... Mais ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Les accords UE-Maroc, la fuite en avant ?

En attendant les entreprises font du bénéfice sans que l’ouvrier n’en sente les bienfaits. C’est à ce prix que nous payons les tomates dures et gorgées de l’eau précieuse du Maroc. Les légumes se retrouvent dans les étalages des supermarchés du nord de la méditerranée tandis que sur les bancs du Parlement européens on proposent d’investir pour continuer la modernisation de l’agriculture marocaine. Une nouvelle version des accords UE-Maroc sont sur le point de voir le jour. Le matériel et le savoir faire européen sert à exploiter l’ouvrier Marocain. Ce continent si fier de défendre les droits de l’Homme est en train de réfléchir à la façon d’intensifier le processus. Le scénario est bien connu et se perpétue, les entreprises fleurissent, se concurrencent, les patrons jurent qu’ils voudraient faire autrement, que c’est la loi du marché ! Pendant ce temps, les ouvriers crient leurs colères.


Notes

[1] Travailleurs agricoles et pauvreté : Cas de Chtouka Ait Baha, Diplome d’étude supérieur approfondi, Université Mohamed V, 2010

[2] chargée de gestion administrative à la Fédération Nationale du Secteur Agricole, syndicat membre de l’union marocaine du travail (FNSA-UMT)



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