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Rio+20 et Sommet des Peuples, éléments de compréhension
2 mai 2012 par Juliette

Depuis quelque temps, la presse nationale et internationale a commencé à couvrir l’actualité de la préparation de la prochaine Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable, Rio+20, qui marque les 20 ans du sommet de la Terre de 1992, lui aussi tenu à Rio de Janeiro. Pendant ce temps, la société civile brésilienne et internationale prépare un contre sommet, le Sommet des Peuples à Rio+20, parallèle et indépendant de la conférence officielle. Quels sont les enjeux qui marquent chacune des rencontres ? De quels processus sont elles les conséquences et vers quoi tendent-elles ? Comment la société civile peut-elle tâcher d’apporter une réponse critique coordonnée aux propositions sur la table onusienne et y opposer ses propres alternatives ? Cet article tâche de proposer une première ébauche de réponse à toutes ces questions.

D’ECO92 à Rio+20, les Nations Unies et la protection de l’environnement

En 1992 avait lieu à Rio de Janeiro au Brésil une conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, dont l’objectif officiel était de parvenir à concilier développement socio-économique et protection de l’environnement. De cette rencontre sont sortis deux concepts clés, qui ont largement marqué les mentalités et les politiques publiques en matière d’environnement : le développement durable et l’agenda 21 (le premier n’est pas apparu à Rio, mais la conférence a contribué à l’entériner). Vingt ans plus tard, alors que la crise environnementale est devenue en partie irréversible, les négociations internationales sur le changement climatiques bottent en touche et les Nations Unies se réunissent à nouveau en grandes pompes pour négocier environnement et développement durable, sous la houlette d’un nouveau concept cette fois, l’"économie verte".

Draft zero et rapport du PNUE, une métaphore en couleurs pour un dogme renouvelé

Le concept central du document devant servir de base aux négociations pour Rio+20, le draft zero, est celui d’économie verte. Le document ne définit pas le concept, mais il s’inspire largement d’un autre document, qui lui en donne une description plus précise : il s’agit d’un texte du PNUE [1] intitulé "Vers une économie verte : pour un développement durable et une éradication de la pauvreté" [2]. Selon ce rapport, après la crise économique émergent de "nouvelles opportunités", incarnées par le concept d’économie verte. Les multiples crises seraient en fait dues à une "mauvaise allocation du capital", il s’agirait donc de "changer de paradigme", dans un mouvement général au sein duquel tout le monde aurait à gagner : populations, gouvernements et secteur privé. Passer d’une économie "brune" à un "verdissement" global et général de l’économie, qui consisterait notamment à considérer la nature comme un capital, le "capital naturel".

Mais contrairement à ce que certaines des citations de ces deux documents pourraient laisser penser, il ne s’agit en aucun cas de repenser le modèle de développement en vigueur. Le verdissement de l’économie n’implique pas une remise en question du dogme de la croissance et de la course au profit, bien au contraire, il en est le support, le moteur. Selon le document du PNUE "Les preuves abondent aujourd’hui que le verdissement des économies ne fait pas obstacle à la création de richesses et d’emplois et qu’il existe de multiples opportunités d’investissement, et donc d’augmentation de la richesse et des emplois, dans de nombreux secteurs verts". Selon ces documents la protection de l’environnement représenterait donc surtout des opportunités d’investissement et de création de richesses, face auxquelles les populations et le secteur privé seraient sur un pied d’égalité, dont tous devraient tirer profit.

Un concept en trompe l’œil, pour une nouvelle offensive du secteur privé

Ce concept n’est non seulement pas satisfaisant au regard des enjeux de la crise environnementale mais il est en outre très dangereux. Il ne s’agit pas de remettre en question le modèle dominant de développement alors que même que celui-ci offre le cadre idéologique, politique et économique qui permet et justifie la prédation et la destruction de l’environnement, aux dépends des populations les plus démunies. Pire encore, plus que de la réaffirmation du modèle dominant, l’apparition du concept d’économie verte manifeste une nouvelle phase d’accaparement du vivant par le système capitaliste. Alors que celui-ci est à nouveau en crise, il cherche à se renouveler en créant de nouveaux marchés, avec l’idée de "capital naturel" ceux-ci sont tout trouvés : l’eau, l’air, les forêts, la biodiversité. Les récents mécanismes proposés dans le cadre des négociations climatiques internationales marquent les premiers pas de cette mutation : marchés carbones, REDD, REDD+, Mécanismes de Développement Propre, etc. Dans le contexte actuel de crises multiples, alors même que les crises bancaires et immobilières commencées sur les marchés mènent l’Europe à la faillite et au déni de démocratie, l’idée selon laquelle la gestion de l’environnement par les marchés est la seule garantie de défendre les intérêts de la nature relève au mieux d’un aveuglement complet, au pire d’un incroyable cynisme. La perspective de voir les marchés financiers s’emparer de ce qui semble une dernières dimensions du vivant encore non investie par eux donne le vertige, à fortiori car il s’agit d’une dimension essentielle à la vie.

Sommet des Peuples, luttes et alternatives populaires

Alors que la Conférence Officielle promet de ne laisser que peu d’espace à la société civile, comment les peuples peuvent-ils répondre à l’offensive, s’organiser entre eux et faire valoir leurs solutions ? C’est tout l’enjeu du Sommet des Peuples à Rio+20. Ce sont ces trois éléments : critique du système capitaliste, articulation des luttes en cours, et visibilité des alternatives populaires qui orientent l’organisation du Sommet des Peuples. Le Sommet devra être plus qu’un contre évènement momentané : un moment fort de convergence et de construction des luttes (y compris pour l’après Rio+20), ancré dans un processus historique d’accumulation d’analyses critiques et de résistances.

Il s’agit d’un long processus de préparation, qui a commencé il y a presque deux ans. Initié par la société civile brésilienne, il a tâché très tôt d’intégrer les organisations internationales. Aujourd’hui en Europe les organisations et mouvements se mobilisent, une première tentative de coordination est en route. Certains se rendront à Rio en juin, d’autres resteront en Europe et s’occuperont de la mobilisation locale : les 5 (Journée de la Terre) et 20 juin (Journée Mondiale d’action en lien avec Rio+20). A Rio, le 20 juin sera consacré à une manifestation qui ralliera le quartier de Vila Autodromo (menacé d’expulsion en raison des travaux pour les Jeux Olympiques de 2016) au Centre Ville, en solidarité aux luttes locales. Le reste de la semaine sera consacré à diverses activités : activités autogérées, territoires du futur (lieux de mise en visibilité des alternatives populaires), plénières de préparation de l’assemblée des peuples et assemblée des peuples [3].

Pendant ce temps la ville se prépare, la Conférence des Nations Unies devenant, au même titre que la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques à venir, un méga-évènement justifiant augmentation des loyers, "nettoyage" de certains quartiers, et greenwashing à tout va. La dernière en date : une exposition des photos de Yann Arthus Bertrand dans le centre ville, financée par des banques et des gouvernements locaux, aux commentaires si peu critiques sur la politique sociale et environnementale du Brésil...


Notes

[1] Programme des Nations Unies pour l’Environnement

[2] 2011, PNUE : « Vers une économie verte : Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté – Synthèse à l’intention des décideurs ». www.unep.org/greeneconomy

[3] Voir le site en français du Sommet des Peuples : cupuladospovos.org.br/fr/



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