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Egypte / Droits des étrangers /

Saloum, un poste frontière plus comme les autres
4 avril 2012 par Nassab

Jusqu’au début du soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi, le point de passage de Saloum séparant l’Egypte de la Libye, ressemblait à de nombreux autres postes frontières de la planète. Un parking où stationnaient quelques véhicules faisant le va et vient entre les deux pays ; des commerces où des travailleurs migrants s’arrêtaient acheter des cigarettes et des recharges de crédit pour leurs téléphones. Rien de plus. Mais depuis le mois de mars 2011 et le début des frappes de l’OTAN sur la Libye, ce lieu a très nettement changé de visage.

  • Saloum, ou la transformation d’un poste frontière en camp de réfugiés

La violence des bombardements qui ont touchés la Libye et la chasse à l’homme dont ont été victimes de nombreux Sub-Sahariens ont forcés plus de 300 000 personnes à fuir vers l’Egypte. Si les Egyptiens et les Libyens n’ont pas eu de problèmes pour franchir la frontière, cela n’a pas été le cas des ressortissants d’autres pays, pour qui un visa d’entrée était exigé. En quelques jours seulement, le point de passage de Saloum s’est retrouvé totalement engorgé, se transformant en un camp de réfugié géant ne disposant d’aucune des infrastructures de base nécessaires pour l’accueil d’une telle population. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a organisé dans l’urgence des vols spéciaux pour permettre aux migrants qui le souhaitaient de retourner dans leur pays d’origine. Mais pour les réfugiés et les demandeurs d’asile [1] présents en Libye au moment du conflit, cette option n’était aucunement envisageable. Des milliers de personnes se sont ainsi retrouvées bloquées dans ce no man’s land situé en plein désert, avec pour seuls abris des cabanes qu’ils se sont eux-mêmes construit avec leurs valises, des bâches, et toute autre sorte de matériaux glanés sur place.

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Réfugiés au poste frontière de Saloum
Source : revolutionarabe.over-blog.com
  • Les entraves à la libre circulation à l’origine de cette situation ubuesque

Victimes des interminables procédures du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) [2], des centaines de demandeurs d’asile sont bloqués à Saloum depuis des mois. Le cas des réfugiés palestiniens, dont certains sont nés et travaillaient en Libye depuis plusieurs décennies, avec ou sans titre de séjour ou statut régulier, apparaît tout aussi problématique. Ces derniers étant pris dans une situation administrative alambiquée, les autorités égyptiennes n’ont pas acceptées de les laisser franchir la frontière. Le HCR a uniquement réussi a obtenir le droit d’évacuer vers Gaza 1 581 réfugiés palestiniens détenteurs de titres de voyage valides, les déplaçant ainsi d’un enfer vers l’autre. Pour les autres, seul un retour vers la Libye ou une réinstallation dans un autre pays reste envisageable. C’est également l’unique choix qui s’offre aux réfugiés Sub-Sahariens [3] eux-aussi dans l’attente d’une place de réinstallation. [4] Dans leur cas, un retour dans leur pays d’origine mettrait leur vie en péril, et rebrousser chemin vers la Libye ne semble pas constituer une option beaucoup plus sûre. Les places arrivent au compte goutte, et dans ces conditions, l’attente se fait interminable. Jusqu’à présent, seuls les Etats-Unis, l’Australie, le Canda, ainsi que 8 pays européens [5], ont accepté d’accueillir sur leur sol des réfugiés en provenance de Saloum. A l’heure actuelle, la France et l’Italie, qui ont pourtant largement contribuées à cette situation, ne leur ont encore accordés aucune place.

  • Des flux migratoires qui tendent à s’inverser

Malgré la situation encore très instable en Libye, le flux des migrants commence déjà à s’inverser. Depuis plusieurs semaines, la file d’attente s’allonge devant l’ambassade libyenne au Caire. Les Egyptiens désireux de participer à la reconstruction de ce pays sont nombreux, mais avec les nouvelles exigences du CNT (Conseil National de Transition libyen) en matière d’immigration, cela complique fortement les démarches administratives [6]. Les Syriens, qui fuient à leur tour les combats dans leur pays, perçoivent également la Libye comme une opportunité d’avenir. D’après Emmanuel Gignac, responsable du HCR à Tripoli, le nombre de Syriens enregistrés au point de passage de Saloum entre février et décembre 2011 avoisinerait les 10 000 personnes [7]. Mais depuis le mois de février dernier, le CNT refuse de les accueillir. Ceux qui n’ont pas réussi à se rendre en Libye lorsque cela était encore possible séjournent aujourd’hui dans la ville de Saloum, dans l’espoir de pouvoir passer de l’autre côté de la frontière le plus rapidement possible [8].

  • Une situation qui ne fait qu’empirer à Saloum

Entre les personnes qui souhaitent entrer en Libye, et celles bloquées à la frontière, la situation ne cesse de se compliquer. Plus d’un an après l’arrivée des premiers réfugiés sur place, le HCR dénombre toujours plus de 2000 personnes bloquées entre l’Egypte et la Libye. Si quelques femmes et enfants ont réussis à se refugier dans des locaux de la douane égyptienne, la majorité des “naufragés“ du conflit libyen restent cantonnés dans leurs abris de fortune. Les enfants présents sur place ne sont toujours pas scolarisés et vivent dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables. Quelques habitants de Saloum ont profité de la présence de cette population pour installer des restaurants et des magasins à la frontière. Bricolés avec des bâches et des planches de bois, ils sont alimentés en énergie par des générateurs. Des fils électriques traversent le site, multipliant les risques d’électrocution et d’incendie, comme ce fut le cas il y a quelques semaines lorsqu’un feu s’est déclaré sur le site. S’il a emporté dans son sillage une cinquantaine d’abris, aucun blessé n’est à déplorer, pour cette fois. Devant ces conditions de vie de plus en plus désastreuses, le gouvernement égyptien a enfin autorisé le HCR à installer 400 tentes sur un terrain de 95 000 m2, situé à proximité. Jusque là peuplé par une colonie de scorpions, cet emplacement devrait permettre d’améliorer très sensiblement les conditions de vie de cette population, victime collatérale de la guerre menée par l’OTAN au nom des Droits de l’Homme, mais que la majorité des pays européens ne daigne toujours pas accueillir sur son sol.

Quelques liens sur le sujet :

- Amnesty International. Qu’est-ce que la réinstallation ? 21/03/2012.

- FIDH. Exiles from Libya flee to Egypt. Double tragedy for Sub-Saharan Africans. 06/2011.

- Giovanna Dall’Ora. Egyptian workers queue up for Libyan rebuilding. Ahram. 26/02/2012

- IRIN. Les réfugiés invisibles du Moyen-Orient. 02/02/2012.


Notes

[1] Parmi ces personnes, certaines n’avaient jamais entrepris les procédures de demande d’asile nécessaires à l’attribution du statut de réfugiés, tandis que d’autres avaient été déboutées du droit d’asile. Pour les premières, leur demande d’asile a été enregistrée par le HCR au moment de leur arrivée à Saloum. En revanche, au même titre que les réfugiés bénéficiant du statut du HCR, les déboutés du Droit d’asile ne peuvent envisager un retour dans leur pays d’origine. Ils se sont ainsi retrouvés pris au piège entre l’Egypte qui n’acceptaient pas de les accueillir, et la Libye où ils encouraient d’énormes risques en raison de la persécution dont les Sub-Sahariens font l’objet. Face à cette absence de perspectives, certains ont choisis de retourner en Libye pour tenter une traversée de la Méditerranée au péril de leur vie.

[2] En Egypte, la durée moyenne d’une procédure de demande d’asile s’étend de 1 à 7 mois. Dans certains cas, cela peut prendre plus de temps. Au cours de cette période, les demandeurs d’asiles peuvent être interrogés plusieurs fois par le HCR sur leur déposition, ceci afin de vérifier la véracité des motifs avancés pour justifier leur demande du statut de réfugié.

[3] L’écrasante majorité des réfugiés encore présents à Saloum est d’origine Soudanaise. On dénombre toutefois quelques Erythréens, des Ethiopiens, des Somaliens, ainsi que des ressortissants d’autres pays sub-sahariens.

[4] Selon le HCR, la réinstallation “implique la sélection et le transfert de réfugiés d’un Etat dans lequel ils ont cherché la protection vers un autre Etat qui a accepté de leur offrir, en tant que réfugiés, le statut de résident permanent“ L’Etat d’accueil doit garantir une protection contre le refoulement et offrir aux réfugiés l’accès aux droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. (Amnesty International)

[5] Les 8 pays européens ayant accepté d’accueillir des réfugiés de Saloum sont la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.

[6] Les Egyptiens qui souhaitent se rendre en Libye doivent désormais obtenir un visa auprès des autorités libyennes. Un test de santé et de sécurité est même exigé pour obtenir un permis de travail. Une fois sur place, les travailleurs migrants égyptiens peuvent facilement faire prolonger leur visa par le employeur.

[7] Selon des estimations approximatives du HCR, 40 000 Syriens auraient trouvé refuge dans un des pays de la région, principalement en Turquie, au Liban et en Jordanie. Toutefois, selon les dires mêmes de Panos Moumtsiz, coordinateur régional pour les réfugiés syriens au HCR, ce chiffre pourrait en réalité approcher les 80 000 personnes.

[8] Le 21 mars dernier, l’intervention du Ministre libyen des Affaires étrangères a toutefois permis à 350 Syriens bloqués à Saloum d’entrer en Libye.



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