Cet évènement de deux journées est le Forum Youth in Action financé par SALTO-YOUTH. Il s’agit d’une institution liée au Conseil de l’Europe et au programme Erasmus+ qui permet la mobilité de jeunes entre différents pays d’Europe. Contrairement au programme Erasmus qui concerne le monde universitaire, Erasmus+ permet la mobilité au sein de stages en entreprise ou de volontariats.

Que faire, que faire ?

Je n’ avais aucune attente particulière pour ces deux journées, je ne savais pas vraiment ce qui allait s’y passer. J’avais participé la veille à la préparation et Zid (l’association pour laquelle je travaille) en était l’organisateur, j’avais donc décidé d’y aller. Essentiellement par curiosité.

Mardi 17 novembre, 9h30. Les participants arrivent au bâtiment de l’ European Union Info Center dans le centre de Podgorica, on me demande de me mettre devant la porte, de les accueillir, de les orienter. Chacun des arrivants prend le carnet de note qui lui est offert ainsi que les quelques documents qui l’accompagnent puis prend place sur sa chaise. Environ 80 personnes.

A mon tour, je me rend dans la salle où à lieu ce forum. Le discours d’ouverture est tenu par deux officiels, le directeur de la Délégation de l’Union Européenne au Monténégro (un allemand) et un officiel monténégrin lié à la jeunesse. Des paroles vides et inintéressantes. Il s’agit de ce genre discours où le but semble uniquement de prononcer certains mots clés : collaboration, développement, soutient, entre-aide, interculturel…. Ce genre de discours que l’on pourrait prononcer lors n’importe quel événement. Ce genre de discours on l’on parachute quelqu’un d’important pour qu’il fasse acte de présence. Je ne m’attarderai donc pas sur celui-ci, de plus, les deux orateurs ont disparu juste après avoir parlé.

Je regarde les documents qui ont été distribués à chacun des participants. Parmi eux ce trouve la liste des participants. Ces derniers viennent de différents pays, certains sont monténégrins mais il y a aussi des serbes, des croates, des kosovars, des macédoniens, des bosniens et des albanais (la liste des participants est disponible en fin d’article). De plus, leurs activités sont variées : membres d’associations, d’institutions publiques et des « jeunes »1. Beaucoup de monde et, semble-t-il, un ensemble assez hétérogène. Ces deux journées pourraient finalement être intéressantes. Mais que pourrait bien être mon rôle ? C’est à ce moment que j’ai décidé de prendre des notes et d’écrire cet article.

Le déroulement des deux journées

Igor, le directeur de Zid prend ensuite la parole et présente ces attentes relatives à ce forum. Il rappelle l’importance d’impulser une jeunesse pro-active, et présente certains cas concret qui ont été réalisés, notamment la création d’une plate-forme entre la Turquie et la Bosnie qui a permis d’identifier des problèmes et des modes d’action communs au deux pays. Il rappelle également que le programme Erasmus + ne doit pas seulement être un « outil technique » mais également un « outil de pression » pour des politiques publiques dirigées vers la jeunesse dans les Balkans.

En fin de matinée, le groupe est divisé en deux. Dans une autre salle, les jeunes peuvent s’informer du programme Erasmus + et de ce qu’il propose ainsi que de comment on peut postuler. De l’autre, des représentants Erasmus+ des institutions européennes font face à des responsables d’associations. Un face à face entre ceux qui ont l’argent et ceux qui en demande. La discussion est très techniques : Comment sont sélectionnés les projets ? Qu’est-ce qui est valorisé ? Comment remplir le formulaire ? Erasmus + permet aux associations de demander des fonds aux Conseil de l’Europe. La condition est d’y inclure des jeunes. Pour beaucoup d’associations dans les Balkans, cela représente la seule possibilité de faire venir des étrangers, ainsi que d’envoyer certains de ses membres à l’étranger. Cette année, une somme de 3 000 000 d’euros est allouée à l’ensemble des pays que j’ai précédemment cités2. C’est peu, la concurrence entre les associations est forte.

Lors de l’après-midi de la première journée, les participants se répartissent en 4 groupes de discussion. Chacun des groupes aborde un de ces quatre thèmes : la participation, l’inclusion sociale, l’employabilité des jeunes, le contexte politique. Je me suis ainsi promené de groupe en groupe et voici ce que j’ai entendu le plus souvent. Erasmus + est très attractif chez les jeunes, mais il faut le rendre plus visible, pour cela, il est nécessaire de créer des partenariats entre les institutions européennes en charge d’ Erasmus+ et les institutions locales. De plus, dans une situation de chômage massif, très marquée chez les jeunes, Erasmus+ est une alternative importante. En effet, cela permet de trouver une occupation ainsi que d’acquérir une expérience et des compétences professionnels. Cependant, il est difficile de valoriser celles-ci dans le domaine privé. C’est ici que l’État doit agir, qu’il doit appliquer des politiques de valorisation des compétences acquises lors de volontariats dans des associations. Une reconnaissance institutionnelle est nécessaire. Cela me rappel ce que disait Igor lors de la matinée : « Erasmus+ doit servir comme outil de pression pour des politiques dirigées à la jeunesse ».

La soirée, nous sommes allés en bus, tous ensembles, à la ville de Cetinje. Dans l’ancienne capitale du Monténégro nous nous sommes promenés ce que le froid nous a permis, nous avons mangé au restaurant, nous avons bavardé, rigolé, échangé nos contacts, puis nous sommes rentrés. Nous étions fatigués.

La deuxième journée fut consacrée à des discussions. De nouveaux quatre thème sont abordés, mais cette fois-ci, ils ont été décidés collectivement : le rôle des intermédiaires Erasmus+ dans chacun des pays, la gestion de projet, l’évaluation d’un projet, la création de partenariats et de réseaux. Cette fois-ci, chaque groupe discutera de chacun des quatre sujets. Un système de rotation est ainsi mis en place. Au bout d’un certain moment les groupes changent de table et changent ainsi de sujet de discussion A chacune des tables une personne reste, elle rapporte au groupe qui arrive ce qui a été dit sur le sujet par les groupes précédents. Le matin il s’agissait d’identifier les problèmes et les obstacles que rencontre les associations, l’après-midi de proposer des solutions.

Les sujets abordés sont assez larges, les discussions sont assez courtes (les groupes restent environ 20 minutes à une table) mais cela me semble très intéressant. J’ai le sentiment que tout le monde est à égalité, que tout le monde peut parler. Bien sûr, certains des hommes usent de leur voix grave pour s’imposer et se faire entendre pendant que d’autres participants restent assis à écouter. Mais, d’une certaine manière, la hiérarchie entre les différents postes et donc entre les idées de ceux qui occupent ces postes est atténuée. Des jeunes, des directeurs d’associations et des représentants d’institutions se retrouvent autour d’une table et partagent leurs expériences, les difficultés qu’ils rencontrent et leurs inquiétudes. Ici, tout le monde n’est que participant, tout le monde est légitime pour prendre la parole.

Ça sert à quoi tout ça ?

A la fin de ces deux journées, je suis évidemment amené à m’interroger sur l’efficacité réelle de ce genre d’événement, sur ce que les institutions européennes vont retenir des remarques des différents participants, sur l’attention qu’elles y prêteront. N’est-ce pas encore un événement qui a pour but de démontrer la nature bienfaisante de l’Union Européenne, de prouver ses valeurs humanitaires à ses voisins ? Finalement peu importe, lors de ces deux journées, lors des discussions qu’il y eu, lors de toutes les pauses cafés, lors de tous ces petits moments informels, des personnes habitants aux Balkans se sont rencontrées. Ce n’est pas tous les jours dans les Balkans que des acteurs de la société civile, des jeunes qui veulent s’investir et des officiels d’États se rencontrent et restent ensemble pendant deux journées. Donc selon moi, même si les effets positifs de ces journées sont difficile à identifier et donc à mesurer, il me semble que c’est utile. Laissons au différents participants le soin de rendre ces journées profitables à la société civile et aux mouvements sociaux dans les Balkans.

1Les participants se répartissaient selon trois catégories. L’une d’entre-elles était « jeune », les deux autres « membre d’institution » et « membre d’organisation »

2Il s’agit d’une zone aujourd’hui appelée Western Balkans par les institutions européennes (Croatie, Monténégro, Serbie, Albanie, Kosovo, Macédoine et Bosnie). On est donc en droit de se demander ce que sont les Balkans de l’Est ? Les grecs ne s’y reconnaissent pas, les roumains non plus. Est-ce la Bulgarie à elle seule ?