La Bosnie-Herzégovine est divisée en deux entités: la République serbe de Bosnie et la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Ces entités étant autonomes, la République serbe a comme la fédération, son propre gouvernement. Certaines lois, notamment en matière d’ONG y sont donc particulières.

 

Quel est le quotidien des organisations en République serbe?

 

Le gouvernement de Milorad Dodik a établi une «liste noire» d’associations qui s’opposeraient au régime. La nouvelle liste est parue il y a deux mois et le Helsinki citizen’s assembly, organisation luttant pour les droits de l’Homme dans laquelle je suis volontaire y figure en deuxième position, juste derrière Transparency international, association luttant contre la corruption. Cependant, figurer sur cette liste n’a que très peu d’impact de la part des institutions publiques. Paradoxalement, le HCA est une organisation reconnue d’intérêt public par la ville de Banja Luka et fait partie d’un comité du ministère de la famille, de la jeunesse et des sports. De plus, même si les financements publics sont rares, ceux-ci ne sont pas bloqués du fait de leur présence sur cette liste.

 

Le problème principal posé par cette liste est son impact sur la réputation des associations. Etant considérées comme «anti serbes» par la population, elles pourraient avoir à subir des représailles de la part de nationalistes. Cela avait d’ailleurs été le cas lorsque le HCA ayant lancé un appel à manifester le 7 février dernier, il avait reçu des menaces par téléphone le matin même.

                             SAMSUNG CAMERA PICTURES

    Bâtiment du gouvernement de la République serbe le jour de la grande manifestation

 

Quels sont les autres problèmes rencontrés par les associations en République serbe, même sans figurer sur cette liste?

 

Lorsque des associations veulent organiser une action qui serait aux yeux du pouvoir, susceptible d’entraîner des problèmes de sécurité, comme par exemple une action permettant de faire la lumière sur les crimes de guerre, celles-ci doivent demander une autorisation à la mairie mais également à la police. Elles doivent fournir aussi une liste de tous les participants. En cas de débordements, toutes les personnes de cette liste seront jugées responsables. C’est ce qui s’est passé le 14 février dernier. Plusieurs associations voulaient organiser une manifestation pour les femmes comme chaque année le jour de la Saint-Valentin. Le fait que la police demandait les noms de tous les participants a conduit à son annulation, une semaine après les grandes manifestations.

 

Le manque de financements publics présente une autre difficulté. En effet, non seulement ceux-ci sont faibles mais ils ne sont pas sûrs. Il y a très peu de contrôles des finances publiques et il est toujours possible qu’un financement prévu pour une organisation soit annulé au dernier moment. Le manque de financements publics entraîne les associations à se tourner vers d’autres financeurs. Celles-ci, bien que défendant les mêmes causes, se retrouvent alors en compétition pour obtenir des finances. Cet état de fait se retrouve d’ailleurs partout en Bosnie.

 

Le parti de Milorad Dodik des sociaux démocrates indépendants (SNSD) rédige en ce moment une loi qui risque d’ajouter aux difficultés du quotidien des associations. Celle loi régirait toutes celles qui sont présentes dans cette partie du pays. Elle entraînerait pour les organisations considérées comme politiques, c’est-à-dire la grande majorité d’entre elles, l’obligation de demander la permission au gouvernement avant de développer chaque projet. Les associations devraient aussi demander l’autorisation de solliciter une subvention même si cette demande se fait auprès de financeurs privés ou extérieurs à la Bosnie. Cela représente une importante atteinte à la liberté d’expression. L’espoir d’infléchir la ligne du gouvernement est mince : en République serbe, même lorsqu’un député est en désaccord avec une loi proposée par son parti, il ne peut s’y opposer car il risquerait de perdre sa place. Le SNSD étant majoritaire, cette loi devrait être donc votée à l’assemblée sans trop de difficulté. Le HCA a essayé de contourner l’obstacle en s’inscrivant sur les registres des associations de Bosnie-Herzégovine et non plus seulement de Banja Luka mais cette loi concernerait toutes les associations présentes en république serbe quel que soit leur lieu d’enregistrement.