Graffiti en mémoire des 72 supporters Ahly tués à Port Saïd

Les manifestations et violences qui ont eu lieu en Egypte depuis le 23 janvier révèlent des sources multiples de désaccords, de mécontentement et de problèmes profonds dans la société égyptienne.

Les premières manifestations qui ont eu lieu au Caire le mercredi 23 janvier avaient pour but de revendiquer la mémoire des victimes dans le jugement des responsables de la tuerie de Port Saïd (l’an dernier), où 72 supporters de la première équipe nationale, les « Ultras Ahly » ont été tués à l’issue d’un match de football entre l’équipe locale et l’équipe Ahly. On soupçonne ce drame de n’être pas simplement un fait de hooligans mais une vengeance politique puisque les Ultras Ahly étaient très engagés dans la révolution contre Moubarak et que les responsables de la police ont rendu possible cette tuerie en fermant les portes du stade et en éteignant les lumières à la fin du match.

D’autre part, l’anniversaire de la révolution vendredi 25 janvier à été l’occasion pour l’opposition et pour de nombreuses personnes de manifester en mémoire de la révolution et de ses revendications, et pour exprimer leur mécontentement face à la politique et la gestion médiocre du pays du président Morsi, à travers tout le pays. La situation économique catastrophique, une constitution rétrograde en termes d’égalité des droits et un président aux tendances autoritaires sont autant d’éléments qui alimentent le grondement de la foule.

La décision judiciaire à l’issue du jugement (samedi 26 janvier) des responsables de la tuerie de Port Saïd, condamnant à mort 21 supporters de l’équipe locale accusés d’avoir participé à la tuerie, a entrainé de nouvelles manifestations des port-saïdis, de nouvelles violences et de nouveaux morts.

Les violences qui ont caractérisé ces manifestations (concentrées à Port Saïd et Ismailia) ont causé la mort de 53 personnes.  Dans le cas du Caire, il est difficile de déterminer clairement qui sont les manifestants : la majorité font partie des groupes d’opposition, mais on trouve également des membres du nouveau groupe « Black Block », qui ont pour crédo d’utiliser la violence comme une arme politique contre les frères Musulmans, ainsi que de nombreux jeunes (adolescents et enfants) qui sont là souvent plus pour assouvir leurs élans de violence à l’encontre de la police que pour soutenir une quelconque position politique.

Au-delà de la violence entre les manifestants et la police, c’est encore la violence –sexuelle- à l’encontre des femmes qui est plus forte que jamais place Tahrir. Des groupes d’hommes attaquent systématiquement les femmes qui se rendent sur la place pour aller manifester ou simplement pour se rendre compte de ce qui s’y passe. Ces hommes agressent sexuellement et physiquement les femmes. Selon le groupe « Operation Anti Sexual Harrassment »1, qui grâce à ses groupes d’interventions secoure les femmes victimes de viols sur la place, ces groupes d’agresseurs seraient payés par les partis au pouvoir (Frères Musulmans ou partis islamistes) pour semer la terreur chez les femmes qui voudraient s’engager dans les manifestations. Ce problème reste majeur, alors qu’aucun parti politique (pas même l’opposition) n’aborde le problème ni ne tente d’y remédier, et participe à l’exclusion des femmes de la sphère politique et revendicative.

Suite à ces évènements, le président Morsi a approuvé une loi conférant aux officiers militaires le droit d’arrêter des civils, agissant comme renfort à la police. Un projet de loi sur la réglementation des manifestations a été présenté mercredi 30 janvier, qui exigerait que les autorités soient informées de la tenue d’une manifestation 5 jours à l’avance. Ce projet autoriserait également la police à faire usage de la force (et non plus seulement des tirs de dissuasion), et interdirait les manifestations à proximité du palais présidentiel, des stations de police ou encore des ministères et des institutions militaires.

Globalement la situation reste très instable. Les dirigeants de l’opposition refusent catégoriquement tout dialogue avec le président. Les violences continuent sporadiquement, et le président Morsi perd progressivement sa légitimité et son soutien populaire. La révolution égyptienne est toujours en cours, la société toujours en quête d’un système plus juste assurant la liberté et la sécurité pour tous. Ce processus sera long et laborieux, mais les partis d’oppositions semblent plus actifs que jamais. Les élections législatives d’avril seront l’occasion de contrer les Frères Musulmans. A suivre…

 

 

https://www.facebook.com/opantish