Hong Kong, une ville des extrêmes
Hong Kong est une ville qui donne le vertige. En effet, entre les innombrables gratte-ciels et les disparités sociales, j’ai navigué d’une sphère à une autre, d’une île à une autre, en sept jours à peine. Très haletant en somme. On a beaucoup entendu parler de cet archipel les derniers temps, de la pression exercée par Pékin sur ce territoire autonome. Toutefois, lors de ce court passage, j’ai principalement eu accès aux problématiques sociales.
Mon séjour hongkongais avait deux objectifs principaux : rencontrer des activistes en lien avec mes organisations d’envoi et d’accueil pour ma mission de service civique, et revoir une amie de lycée expatriée là-bas. Cela m’a permis d’entrevoir des mondes radicalement différents. D’un côté, j’ai pu rencontrer des activistes qui m’ont invitée à passer du temps dans le parc où se retrouvent les travailleurs migrants domestiques le dimanche, d’un autre j’ai pu visiter des endroits plus improbables les uns que les autres ; entre autres, mon amie m’a fait entrer en douce dans un hôtel de luxe aux tapisseries extravagantes et lounge chicissime, le tout en passant par une vie nocturne estudiantine à tourner la tête.
Hong Kong est revenu dans le giron chinois en 97, ainsi les reliquats de l’ancienne colonie anglaise restent très visibles. L’antique tramway de 1904 à deux étages passe encore à deux à l’heure au milieu des buildings, de nombreux expatriés occidentaux se retrouvent toujours au cœur de la ville dans l’immense hippodrome Happy Valley Racecourse. Ces derniers sont d’ailleurs très nombreux -les français sont la première communauté d’expatriés à Hong Kong !-, bien plus qu’à Taipei, et d’un lieu à l’autre, il y a parfois une séparation flagrante entre les expatriés et les locaux.
Hong Kong est également la ville la plus dense que j’ai jamais vue. Les prix des logements et des terrains ayant explosés sur ce territoire exigu, tout se construit à la verticale. J’avais beau loger en dehors de Hong Kong même, au sein des bien moins prisés nouveaux territoires près de la Chine continentale, là-bas aussi les buildings faisaient légion, la façade parfois dégradée leur donnant l’allure d’interminables HLM. La problématique du logement a donc été investie par le gouvernement, qui possède à présent nombre d’entre eux. Tout le monde vit dans du petit et du cher, un peu moins cher si c’est un logement public, souvent au bénéfice des familles nucléaires.
Cela étant, les mesures de justice sociale prises par l’Etat semblent en général réduites au strict minimum dans cette ville du libéralisme et de la finance, paradis des investisseurs. Encore plus qu’ailleurs, la réussite individuelle, l’argent, et le travail, très peu encadré (pas de limite en heure par semaine par exemple), semblent être les moteurs de la société, rarifiant les à côté pour qui a ce mode de vie. Cela constituerait l’un des facteurs influençant à la baisse l’investissement dans le militantisme. Les membres d’un centre de ressources des mouvements sociaux m’ont expliqué que les étudiants y sont de moins en moins sensibles, sensibilisés. Ils m’ont également exposé les difficultés rencontrées aujourd’hui pour survivre, leurs actions étant considérés comme inutiles par certaines structures.
Ainsi, j’ai découvert de nombreuses problématiques en très peu de temps. Les évictions forcées dans cette ville en chantier constant, le taux de pauvreté non négligeable de 20%, ou encore, concernant les travailleurs migrants, le système des agences, que j’avais déjà entrevu à Taïwan. Pour aller travailler à Hong Kong, Taïwan, ou Macao, les migrants passent par des agences, qui font l’intermédiaire entre le travailleur et l’employeur. Celles-ci demandent des sommes exorbitantes pour leurs services, nécessitant des mois de travail pour régler les dettes. Tout est soumis à de tels payements : envoi et contrat à l’étranger, renouvellement du contrat, retour au pays, changement d’employeur, même en cas d’abus. Cela crée des situations désespérées, sans parler des conditions de travail qui sont souvent déplorables.
Finalement, à l’échelle de mon séjour de neuf mois à Taipei, une semaine à Hong Kong semble fort insuffisante pour un état des lieux véritable, mais ces impressions fugaces et tranchées m’ont donné envie d’approfondir. Je retiendrais qu’avec mon statut de voyageuse occidentale, j’ai eu un accès privilégié à différents cercles, parfois très clivés, qui m’ont permis d’entrevoir la coexistence de cette richesse extrême et de cette pauvreté rampante. Mon trajet journalier constituait en fait en une illustration éloquente des disparités rencontrées : une heure et quelques en bus ou en métro, de Tuen Mun des nouveaux territoires, perçue comme reculée, presque assimilée à la Chine continentale par certains, à l’île de Hong Kong, moderne, très anglophone, étourdissante.