Madrid, J+3

Jour un 

Ça fait bizarre d’arriver à Madrid à l’heure de la sieste, en ayant quitté à peine quelques heures avant le chaos de la vie parisienne.

Le calme et les rues désertes contrastent avec les milles choses qui se bousculent dans ma tête. En l’espace de quelques jours, j’ai quitté mon appartement, mon 20e arrondissement et laissé mon train de vie francilien pour atterrir dans la capitale espagnole, mon nouveau chez-moi pour les 5 mois à venir… 

Le ciel est d’un bleu intense, lisse et homogène, sans nuages à l’horizon et le soleil tape sur ma peau encore endormie après de longs mois d’hiver. On m’a prévenue : L’été sera chaud, voire insupportable mais la bière sera fraîche…

La bière, les espagnols en boivent des quantités folles et toute la journée : au comptoir, en terrasse ou dans la rue et toujours accompagnée de tapas, car il faut avoir les idées claires.

La semaine dernière c’était les élections, et en terrasse on ne parle que de ça. Dans le quartier de Carabanchel, où j’ai posé mes valises ces premiers jours, beaucoup sont soulagés. 

Certes, le spectre d’une victoire des 3 droites (Partido Popular, Ciudadanos et Vox) s’éloigne, mais beaucoup s’inquiètent de la percée du parti d’extrême droite Vox, qui remporte 24 sièges au Congrès avec plus de 2 millions de voix. Tou.te.s regardent scrupuleusement les résultats par quartiers, et me montrent qu’ici à Madrid, ce ne sont pas les quartiers populaires qui ont voté Vox.

Jour deux

Pour cause de visites d’appartements, je rate la manif du 1er Mai mais arrive quand même à me rendre aux rassemblements à la fin du parcours déclaré.

A seulement une rue d’écart, on retrouve d’un côté les partis de gauche traditionnels et les syndicats majoritaires qui occupent la place de la Puerta del Sol et de l’autre, en remontant la rue piétonne de Carretas, le Parti Communiste espagnol, quelques syndicats ouvriers et des collectifs antifascistes.

Banderoles aux fenêtre du siège de la CNT, le mot d’ordre : « Ne vote pas, lutte »

D’un côté comme de l’autre il n’y a pas foule et les intervenant.e.s se succèdent pour parler au micro de façon magistrale.

Les revendications du mouvement féministe -l’égalité salariale, la fin des violences de genre et l’accès à la justice pour les victimes de celles-ci- sont particulièrement présentes des deux côtés : preuve que le mouvement, loin de s’essouffler, ancre ses exigences dans le discours politique de gauche, et prend une place prioritaire.

Concernant la situation des migrant.e.s, de la frontière Sud ou des politiques migratoires, c’est silence radio… Sujet apparemment secondaire ou tabou pour la gauche espagnole, qui en dit long sur la suite de ma mission…

En quittant les rassemblements, on croise un groupe de jeunes habillé.e.s en noir avec des drapeaux rouges. Mon amie Irene m’explique que ce sont les supporters « ultras » d’un petit club de foot madrilène appelé le Rayo Vallecano.

Les « Bukaneros » (les pirates) sont connus pour leur engagement politique très à gauche et leur ancrage dans le quartier populaire de Vallecas au sud de Madrid (Par ici pour en apprendre plus sur l’histoire de ce club)

Ils portent la voix d’une résistance populaire face aux groupes de supporters des grands clubs qui sont d’après mon amie ouvertement racistes, homophobes, sexistes, franquistes pour certains…

« L’éclair de Vallecas, fierté de la classe ouvrière »

Jour trois

Le 2 mai, c’est -encore- férié. A Madrid, on commémore le soulèvement du 2 mai 1808 par les habitant.e.s de la capitale contre les troupes napoléoniennes qui occupaient la ville, marquant le début d’une vague de résistances et de contestations qui finiront par faire éclater la guerre d’indépendance espagnole.

L’impression de calme et de tranquillité qui avait marqué mes premiers jours ici (pont touristique oblige) laisse place à l’effusion visuelle et sonore de la foule.

Des petits chapiteaux qui passent toute sorte de musique font danser les corps autour de la place du 2 mai. Les gens sont partout et occupent le moindre mètre carré d’espace publique.

Ici on appelle ça un « botellón », le principe est simple et universel : tout le monde boit assis par terre et pour circuler, il faut slalomer tant bien que mal entre les groupes de gens et les cadavres de bouteilles.

Des bribes de conversations parviennent à moi, les élections encore et toujours, la situation des prisonniers de l’ETA, la ligue espagnole de football et le dernier épisode de Game of Thrones. 

A J + trois, j’ai déjà l’impression d’avoir absorbé une bonne dose d’hispanité, la suite au prochain épisode…

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