Une semaine à Krefeld : Fck AfD

Mon tour européen des groupes Emmaüs m’a conduite à passer une semaine en janvier 2024 dans la communauté Emmaüs Krefeld, en Allemagne. Je reviens dans cet article sur deux moments forts vécus pendant cette semaine : un après-midi dans le centre d’accueil de jour et la mobilisation du 3 février contre l’extrême-droite.

Au cœur de la ville, le collectif

La communauté de Krefeld, créée en 1992, est membre d’Emmaüs International depuis 2000. Elle accueille aujourd’hui 6 compagnons qui réalisent le travail traditionnel des communautés Emmaüs : l’accueil, le tri et la vente de dons à bas prix. Leurs très nombreuses activités solidaires s’ancrent dans un maillage territorial associatif important.

Ma mission consiste principalement à comprendre les mobilisations des groupes Emmaüs : quels sujets les motivent à s’investir ? quelles actions de solidarité mènent-ils et avec quels partenaires associatifs ? Je pose par conséquent toujours énormément de questions à tout le monde : responsables, compagnes et compagnons, bénévoles…

En questionnant les membres de la communauté de Krefeld sur leur quotidien, j’ai été marquée par cette ambivalence dans la manière dont les habitant.es parlent de cette ville et la manière dont ils et elles l’habitent.

« Il n’y a rien à voir dans cette ville… à part les Mercedes. » – Stagiaire

« C’est une vraie poubelle. » – Compagnon

« Je suis revenue habiter à Krefeld la mort dans l’âme. Cette ville, c’est l’enfer. » – Bénévole

Dans cette ville de béton, qui peine à attirer les jeunes, avec des quartiers dans lesquels les habitant.es sont en grande précarité, et qui ne semble pas faire rêver ses résidant.es, la communauté et ses sympathisant.es a su créer et pérenniser en trente ans un tissu associatif très important et reconnu. Des milliers de dynamiques inter-associatives, de nouveaux collectifs, de lieux pour se retrouver ont été créé dans tous les sens. Dans l’objectif de voir naître une ville plus solidaire et inclusive.

C’est au contact des personnes qui font vivre cette solidarité que j’ai eu la chance de participer à deux moments de militantisme forts, dont voici le résumé.

L’accueil de jour « Le pont » / Tagestreff « Die Brücke »

Dans son centre d’accueil de jour à Krefeld, la communauté Emmaüs accueil cinq fois par semaine les personnes de la rue dans un bâtiment dédié. Il y a un repas, un café et la possibilité de se rencontrer. Jusqu’à 60 repas chauds sont servis chaque jour. Certains compagnons de la communauté participent à la distribution de repas sur leur temps de travail.

Le mercredi, l’espace est réservé aux femmes en difficulté (sans domicile fixe, en manque de lien social…). Je m’y suis rendue pour donner un coup de main et échanger autour d’un café avec les bénévoles et les femmes accueillies. Ce temps en non-mixité leur permet de se sentir plus en sécurité, de changer de vêtements si elles en ressentent le besoin, et de discuter plus librement sur ce qu’elles vivent.

C’est notamment dans ces moments d’échanges à l’accueil de jour que sont préparées les futures actions de solidarité et les manifestations. La grande question du jour était : « Et toi ? Tu viens à la manif samedi ? »

Affiche collée sur la porte de l’accueil de jour.
Traduction :
« Offre pour les femmes au centre de jour. Nous répondons au souhait de créer un espace réservé aux femmes. Discuter, prendre un café ou autre chose, prendre une douche ou simplement se reposer – le mercredi, le centre offre à toutes les femmes un lieu d’accueil et la possibilité de se ressourcer et d’échanger dans un cadre protégé. Nous nous réjouissons de vous accueillir. N’hésitez pas à en parler autour de vous ! »
Crédit Photo : Clotilde Avenel.

Une mobilisation historique contre l’extrême-droite

Toustes les ami.es de la communauté se retrouvent à la manifestation.
Crédit photo : Clotilde Avenel

Depuis mi-janvier, les manifestations contre l’extrême-droite en Allemagne prennent une ampleur inédite. Plus de 2 millions de personnes se sont regroupées à travers le pays, dans des grandes, moyennes et petites villes. « Dans certaines communes de moins de 100 000 habitants, plus de 10% de la population a ainsi manifesté au cours des dernières semaines. Du jamais-vu. ».

L’élément déclencheur de cette mobilisation est la révélation d’une réunion secrète impliquant le parti d’extrême droite allemand AfD (Alternative pour l’Allemagne) autour d’un projet de « remigration », qui consisterait à expulser en masse des millions d’immigré.es, les citoyen.nes allemand.es d’origine étrangère, et les individus qui aident les réfugié.es en Allemagne. Lunaire, mais hautement inquiétant puisque l’AfD atteint des intentions de vote records : plus de 20% à l’échelle nationale.

« La démocratie n’a pas d’alternative !! »
Crédit photo : Clotilde Avenel
« Droits de l’homme et non hommes de droite. Même les pommes de terre ont un passé migratoire ! »
Crédit photo : Clotilde Avenel

A Krefeld, la mobilisation de ce samedi 3 février a aussi été spectaculaire. Alors que les collectifs organisateurs de la manifestation, dont Emmaüs, attendaient 4 à 5 000 personnes, plus de 15 000 manifestant.es étaient présent.es. C’est la plus grosse mobilisation depuis la création de la ville. Une vrai déferlante de pancartes ont envahi les rues : « 1933-1945, plus jamais » ; « Stop au nazisme, Stop au fascisme, Stop à l’extrême-droite, Stop à l’AfD » ; « Pour la démocratie » ; « Ensemble contre le racisme ».

De quoi créer un peu d’espoir.

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