Une excursion à Florence pour les 20 ans du FSE

Pour changer un peu de format, on vous propose une écriture à quatre mains, répartie entre Olivier et Sun, pour vous partager notre expérience de la commémoration des 20 ans du Forum Social Européen, qui s’est tenue à Florence du 10 au 13 novembre 2022. 

En novembre dernier, nous avons été convié·e·s à un événement célébrant les 20 ans du Forum Social Européen de Florence en 2002. Un anniversaire qui portait également comme ambition de proposer une réflexion autour des convergences européennes des luttes dans le monde actuel. Pour bien comprendre ce qui se jouait lors de cet anniversaire, il est important de revenir sur l’histoire du forum social européen de 2002 à Florence. 

©Oli (passion statue)

Les forums sociaux européens sont des événements politiques de convergence des luttes, de débats et de partage d’expériences militantes à l’échelle continentale. Ils sont organisés par plusieurs structures européennes du mouvement altermondialiste. Les forums internationaux ont émergé lorsque les organisations militantes du monde entier ont souhaité organiser des contre-sommets pour concurrencer les sommets gouvernementaux internationaux et tenter de faire entendre un discours politique différent, anticapitaliste et altermondialiste. Le premier FSE s’est tenu en 2002 dans la ville de Florence, son slogan était « contre la guerre, le racisme et le néo-libéralisme ». Il fait suite au contre-sommet de Gênes en 2001, organisé en parallèle du G8 et qui avait subi une répression policière très violente, la police y tuera le militant italien Carlo Giuliani.

Le Forum Social Européen de Florence connaîtra un assez grand succès avec pour conclusion une manifestation contre la guerre réunissant aux alentours d’1 million de personnes. 

En 2002, j’avais 5 ans et j’étais en train d’apprendre à écrire mon prénom correctement dans une école maternelle du 18ème arrondissement parisien. De mon côté, j’avais 4 ans, et sans vous mentir, je ne me souviens plus trop de ce que je faisais. Autant dire qu’on a assez peu de souvenirs du Forum Social Européen de Florence. 

Des événements, militants, dynamiques, radicaux, à l’échelle internationale, des « villages » avec de discussions libres entre militants du monde entier, voilà comment nous ont été présentés les forums mondiaux et européens. Avec ce portrait en tête,  nous sommes arrivé·e·s aux 20 ans du FSE de Florence avec des attentes assez élevées concernant la radicalité du contenu et la qualité des formats de discussion. Pour le dire tout de suite,  nous étions déçu·e·s. Certains ateliers du forum étaient très intéressants, avec des discussions en petits groupe et de vrais moment de partage militant. Mais l’événement était surtout centré autour de plénières qui ont duré toutes les journées du samedi et du dimanche. Une scène, 4 micros, une assemblée assise face aux orateurices. Une suite de prises de paroles formelles dont la plupart ne faisaient qu’agiter de beaux principes de convergence, de solidarité, de vivre ensemble. Des discours mous, édulcorés, aussi radicaux qu’un discours présidentiel de notre cher Macron, tous plus déconnectés des luttes et des enjeux socio-politiques actuels. Bref, à part quelques coups d’éclats remarquables comme les interventions de Martial Pa’Nucci du mouvement citoyen Ras-le-bol et de Mélanie N’Goye Gaham du collectif des mutilé·e·s pour l’exemple,  on s’est bien fait chier ! 

©Sun. Dernière rencontre des participants du FSE, 12 novembre 2022

Déconnexion des enjeux politiques et des luttes actuelles, aucune proposition d’action concrète, aucune réflexion sur les formats de discussions, on est juste resté assis·e·s à écouter des discours vides, par des vieux nostalgiques d’une époque où ils étaient sous les feux des projecteurs militants, qui préfèrent fantasmer sur le retour d’une époque révolue plutôt que de s’intéresser aux dynamiques militantes actuelles. Cet anniversaire du FSE de 2002 n’était pas grand-chose de plus qu’une réunion de vieillard·e·s nostalgiques. Déception, perte de temps et d’énergie militante, voilà comment j’aurais résumé ce week-end à Florence s’il n’avait pas été sauvé par les belles statues et pasta florentines. Maintenant qu’on a fini de râler, on peut parler de ce que nous avons aimé de ce séjour.

NDJ*

(note de joie : parce qu’on fait les énervé·e·s mais on a aussi de belles histoires à raconter)

De belles rencontres ont aussi marqué notre esprit. Si on est bien d’accord pour dire que le FSE avait plus l’allure d’une réunion des copaines d’avant, la lutte n’était pas pour autant inexistante du paysage florentin. Après s’être demandé où se cachaient des personnes plus proches des réalités sociales, on a fini par trouvé le CPA Firenze Sud. Il Centro Popolare Autogestito. 

Loin des rues bondées de touristes où l’italien ne s’entend plus, au bord de la Via Villamagna, se dessine ce bâtiment imposant. 3000 m² de bâti recouvert de graffiti, allant du soutien pour la résistance kurde à celle du Mouvement Sans Terres au Brésil.

C’est grâce à Charlotte et son expérience militante à Milan que nous avons entendu parler des « centres sociaux », lieux occupés emblématiques des luttes sociales en Italie. Avec nos skills de djeuns, deux ou trois minutes nous ont suffit pour trouver le compte Instagram d’un centre social de Florence. Frustrés par ce sentiment de nous être trompé d’endroit pour militer en allant à ces 20 ans du forum social de Florence, nous choisissons d’organiser une visite au centre social en tentant tant bien que mal d’embrigader des camarades de la délégation. Nous sommes rejoint.e.s par Antoine, ancien volontaire Echanges & Partenariats, bien intéressé par ce fameux centre social. 

©Oli. Entrée du CPA

Quelques minutes de bus, un peu de marche à pieds et voilà que nous apercevons au loin un bâtiment avec beaucoup de rouge et une grosse banderole à l’entrée, nous avions trouvé ! Et Maintenant ? Voilà une question à laquelle nous avons tenté de répondre pendant une bonne demi heure. Nous avons pu croisé des personnes, jeunes, affairées à la préparation de l’événement du soir. Nous tentons à plusieurs reprises, avec très peu de tact, des approches peu fructueuses. C’est bien beau de vouloir rencontrer des gens à l’improviste mais il faut croire qu’on était pas très fort·e·s à ce petit jeu social. Nous finissons par être orienté·e·s par des enfants qui nous disent que leurs parents sont à l’étage en train de « préparer le désastre », enfin moi j’en sais rien (oli) , je parle pas italien, mais j’ai totale confiance dans les compétences d’interprétariat de mes camarades Sun et Antoine. Nous arrivons dans une salle avec des personnes un peu plus âgées, beaucoup plus sympas que les autres (plus sensibles à nos approches brutes et ringardes). Nous rencontrons Ilaria et Giancarlo, qui nous proposent gentiment une vraie visite guidée du lieu occupé, quel luxe !

©Oli

Ilaria et Giancarlo nous apprennent que l’origine de l’occupation de cet ancien collège remonte à 20 ans plus tôt. Accueil de militant·e·s issu·e·s de tous les horizons, offre culturelle pour les riverain·e·s du quartier. Le parti pris des miltant·e·s du CPA de refuser la participation au FSE 2022 nous a permis de comprendre que nous n’étions pas les seul·e·s à voir dans l’organisation de cette rencontre davantage de blabla institutionnel qu’une action concrète, porteuse de changements sociaux. Pendant ce temps là, du monde commençait à s’activer pour la soirée du samedi soir. Au programme : cantine solidaire, présentation d’un ouvrage, concert de rock italien. Après 1h30 de visite dans les locaux, en passant des salles de cinéma/théâtre, aux ateliers d’auto-réparation de vélo, à la cuisine collective ou salle de jeux pour les enfants ; nous repartons de ces lieux le cœur léger.

Conclusion

Malgré un bilan mitigé et des déceptions quant aux actions menées pendant et après l’anniversaire de cette rencontre, ces trois jours passés en pays fiorentino nous ont permis de faire de formidables rencontres et de renforcer des liens entre les membres de la délégation du CRID. La mission du forum a donc quelque part été accomplie. 

©Sun. Atelier CRID lors du FSE