Exploitants agricoles et travailleurs de la terre, tous paysans ?

Membre de la session 25 d’Échanges et Partenariats, je suis volontaire auprès de la Confédération paysanne Provence-Alpes-Côte d’Azur. Au cours des six prochains mois, je mènerai un travail d’enquête qui a pour objet le recours au travail salarié saisonnier dans les systèmes agricoles de la région.

La Confédération paysanne, un syndicalisme de lutte

La Confédération paysanne est une union de syndicats départementaux réunis pour défendre un projet d’agriculture paysanne ouvertement opposé au modèle agro-industriel qui domine institutions et paysages agricoles français. Organisée en confédération, les syndicats paysans départementaux se sont dotés, lors de leur création en 1987, d’instances nationales dont les membres, au titre de leur désignation démocratique, assurent le bon fonctionnement du syndicat et décident de ses orientations et de ses actions politiques.

L’agriculture paysanne constitue à la fois le projet politique et le mot d’ordre de la Confédération paysanne. Il s’agit de mettre en place un modèle agricole qui repose sur le travail humain, assure l’indépendance des producteurs par rapport aux industriels et fait émerger des pratiques agricoles adaptées aux caractéristiques locales dans lesquelles elles sont utilisées. Les actions des membres de la Confédération paysanne appuient et défendent les orientations agricoles de la charte de l’agriculture paysanne, que vous pouvez consulter ici. Ces orientations poursuivent trois objectifs transversaux : (i) toutes les paysannes et les paysans doivent pouvoir vivre décemment de leur activité dans des exploitations agricoles à taille humaine, l’activité de production agricole doit être soutenable (ii) écologiquement par sa contribution à la préservation des ressources naturelles de demain et (iii) socialement par sa participation à la construction d’un milieu rural vivant au-delà de la simple activité agricole.

Par ailleurs, deux éléments distinguent la Confédération paysanne par rapport à d’autres organisations professionnelles agricoles. Premièrement, la lutte contre le modèle agro-industriel, envisagée localement auprès des paysans et qui prend place dans les instances décisionnelles territoriales et nationales du secteur agricole, est poursuivie aux niveaux européen et international au sein du réseau de la Via Campesina dont la Confédération paysanne est un membre fondateur. Ensuite, la Confédération paysanne soutient ou met en œuvre une diversité de tactiques de lutte : des activités syndicales dans les instances décisionnelles territoriales du secteur agricole au soutien aux collectifs de désobéissance civile comme les faucheurs volontaires en passant par l’interpellation politique de députés ou de ministères.

Pas d’agriculture sans travailleurs saisonniers

Les réflexions internes à la Confédération paysanne sur la question du salariat dans l’agriculture ne datent pas de la création du syndicat. Elles sont nées au début des années 2000 lorsque plusieurs émeutes dans les régions agricoles d’Espagne et d’Italie ont interpellé le monde agricole sur l’exploitation des travailleurs étrangers par l’agriculture industrielle. De ce travail a émergé le constat que les travailleurs saisonniers sont un rouage essentiel de l’agriculture industrielle : l’agriculture est une activité intrinsèquement saisonnière qui n’est pas délocalisable et dont la rentabilité repose majoritairement sur l’existence d’un réservoir énorme de main d’œuvre exploitable à merci. L’élargissement des luttes des exploitants agricoles de la Confédération paysanne à celles des travailleurs du système agro-industriel pour la reconnaissance de leur droit à des conditions d’existence dignes et humaines renforce alors tout perspective paysanne d’opposition à l’exploitation et à la discrimination.

Dans le département des Bouches-du-Rhône, ces réflexions internes à la Confédération paysanne sur le travail salarié ont trouvé une résonance avec les mobilisions de collectifs locaux qui soutiennent les luttes des travailleurs saisonniers étrangers pour la reconnaissance juridique de leur contribution à la production maraichère française. Parmi ces collectifs, le CODETRAS (Collectif de défense des travailleurs saisonniers) dont je vais avoir l’occasion de rencontrer les membres au cours de ma mission.

Et la mission, alors ?

En ce qui me concerne, je suis arrivé à Avignon le mercredi 2 novembre. Le travail à venir est structuré en vue de deux objectifs. Il s’agira interroger l’importance et le recours au travail agricole saisonnier dans l’agriculture, industrielle ou paysanne, de la région PACA et d’aider les adhérents de la Confédération paysanne à expliciter les implications et éventuelles contradictions qu’il y a pour eux à être des employeurs paysans.

D’un point de vue politique, la Confédération Paysanne est une organisation dont l’action m’intéresse par l’alternative globale qu’elle oppose au système agro-industriel dominant et à ses logiques capitalistes, par la constance de ses orientations politiques depuis sa création et par la cohérence de son organisation confédérale et démocratique avec le projet politique qu’elle défend. Je compte bien mettre à profit les six prochains mois pour mieux appréhender son fonctionnement et mieux connaître les personnes qui la font exister.

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