Cévennes, terre de résistances

Je m’appelle Élise, j’ai grandi en région parisienne et pour la première fois de ma vie je pose mes valises dans le pays cévenol, les yeux rivés vers les sommets. En volontariat avec l’Organisation Pour une Citoyenneté Universelle (OCU), je suis accueillie ici par celles et ceux qui se mobilisent pour accueuillir de manière décente les personnes exilées et se font appeler « le collectif ».

Local de l’ancien Parti Communiste Français, face à la mairie du Vigan où les réunion du collectif ont lieu.

« Soyez réalistes demandez l’impossible. »

Slogan Mai 1968

Ces mots résonnent dans les regards de ces femmes et de ces hommes qui m’invitent chaleureusement à leur table dès mon arrivée. Ce slogan emblématique de Mai 68 était celui porté par les jeunes utopistes qu’ils et elles étaient pour la plupart. « Nous étions naïves » disent certaines d’entre elles, en regardant le fond de leur bol de soupe, l’air mélancolique. Pourtant à les écouter parler, je me dis que loin d’être naïves, elles représentent pour moi ces tenaces militantes qui n’ont jamais baissé les bras. Elles inspirent la sagesse, la force et la détermination des femmes auxquelles j’inspire à ressembler à leurs âges.

Les grèves et les révoltes de mai ont amené la question immigrée au sein des discours politiques et débats militants de 68 [1]. Si des milliers de travailleurs et travailleuses étranger.e.s quittent l’hexagone par peur des répercussions (chômage, licenciement, pertes de salaires…), une minorité active d’étranger.e.s rejoignent la lutte contestataire. Des discours et slogans antiracistes et anti-impérialistes unissent alors tout le prolétariat confondu de France, au côté des étudiant.e.s : « La révolution sera internationale ou ne sera pas ! ». Cependant en parallèle, l’image d’une « pègre internationale » venue voler le travail des français.e.s et menacer la stabilité du pays est érigée. Et reflétant les sévices de la guerre d’Algérie, la répression policière s’acharne sur les manifestant.e.s étranger.e.s.

Ainsi, bien que nous parlions souvent de la jeunesse engagée, il semble qu’ici ce sont les ancien.ne.s qui tiennent les règnes de la solidarité, et notamment ces éternel.le.s « soixante huitard.e.s ». Depuis la crise de l’accueil des migrants en 2015 face aux images de Calais, ils et elles se sont mobilisé.e.s pour trouver des hébergements et désengorger la zone en accueillant en zone rurale, les personnes exilées de manière temporaire ou non. D’une réaction émotionnelle est né un réseau de proximité et de solidarité en pays cévenol. Nous rappelant qu’« il existe des milliers de dispositions et de pratiques qui organisent une cité sensible, permettent à la démocratie d’exister dans tous les quartiers, créant un monde de voisins. » (Brugère, Leblanc, 2017)[2].

Affiche du local du Parti Communiste français

S’iels tiennent à ce qu’on les appelle « le collectif » et non APAVIA (nom de la structure administrative), c’est qu’iels ne prétendent pas faire de l’associatif de manière professionnelle. Iels tiennent à leur informalité, leur spontanéité et leur indépendance en dehors des clous. Car « c’est ça la résistance« .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *