Liliana Hristache : de la Roumanie à la mairie de Montreuil, un engagement dans l’exil

Liliana Hristache grandit au sein d’une famille de condition modeste dans la Roumanie post-Ceaușescu et s’installe en France en 2004, à l’âge de 26 ans. Dix années plus tard, elle fonde l’association Rom Réussite, qui œuvre notamment pour la scolarisation des enfants roms et l’accès au logement et au travail. Aujourd’hui, elle est également conseillère municipale de la ville de Montreuil, déléguée à la médiation.

Son parcours est celui d’une femme en quête d’émancipation. Il témoigne d’un engagement dans l’exil, depuis la Roumanie et en tant que Rom, marqué par l’expérience de violences multiples : un mariage forcé, les discriminations en Roumanie ; la frontière, les discriminations, encore, en France. Les expulsions et l’errance. Face à ces épreuves, il témoigne aussi de résistances et de solidarités : l’entraide spontanée entre celles et ceux qui partagent une même condition de marginalisation, mais aussi le soutien de voisin.es, militant.es, travailleuses sociales, élu.es… qui refusent d’ignorer l’injustice d’une telle condition ; de sa détermination, enfin, à lutter et innover pour la reconnaissance des Roms, l’accès aux droits et à la citoyenneté.

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Le père de Liliana Hristache travaille dans la ferraille, et la famille vit dans une petite maison citadine, qu’elle quitte pendant la saison estivale pour travailler en périphérie des villes, comme d’autres familles roms. Après 1989, avec la fin du travail obligatoire d’une part, l’ouverture aux entreprises étrangères d’autre part, ainsi que les discriminations qu’elles connaissent, l’artisanat et donc le travail de ces familles roms devient plus difficile. Liliana a dix ans quand la Roumanie connait la chute de Ceaușescu. Elle en a quatorze quand elle est mariée pour la première fois. Deux ans plus tard, elle prend la fuite et retrouve son premier fiancé, dont la famille l’accueille pendant douze ans. « On n’avait rien ». Stigmatisée en tant que Rom, elle connaît des difficultés à trouver un travail pérenne, malgré sa motivation et sa volonté de s’émanciper de sa belle-famille. En 2003, son conjoint décide de suivre une connaissance dans son projet de travailler en Espagne, projet remis en cause au cours du voyage par l’arrestation de son collègue à la frontière autrichienne. Il s’installe alors en France, en Seine Saint-Denis. Liliana raconte comment son mari souhaite d’abord lui cacher la réalité de la marginalisation et des bidonvilles qu’il découvre en France, par peur de la décevoir. Elle insiste pour le retrouver et fait face à son tour aux conditions de dénuement dans lesquelles les familles vivent sur ce terrain du Bourget. Sous le choc, elle songe d’abord à rentrer en Roumanie. Mais toutes ses économies sont parties dans le voyage, qui a duré une semaine et représenté tant d’épreuves : les discriminations, le refoulement de sa belle-mère, l’impossibilité de subvenir aux besoins de sa fille (D.) plus de trois jours…

« Elle avait deux ans. Elle était toute petite. Y a une dame dans la voiture qui était avec son fils et la dame (…) a vu que je sors plus rien pour faire manger la petite. Elle s’est aperçue et a appelé la petite : « Viens manger ». C’était mignon ! Au moins y a des gens… mais moi j’avais plus rien… on nous avait dit trois jours, donc on a pris nos repas pour trois jours. Moi j’allais pas partir si c’était une semaine. Tant d’arrêts par les policiers, attendre qu’ils leur fassent signe pour partir, attendre dans un coin, dans un parking… attendre que la bonne personne arrive à la douane : c’était des arrangements comme ça [avec le chauffeur]. Tu vois le contexte ? ça a été dur. Et donc quand on est arrivés, pareil, la situation ça a été difficile et tout. Mais après la solidarité ça m’a motivée, ça m’a donné beaucoup de force. »

Entre violence institutionnelle et solidarités dans l’exil, un difficile ancrage

« Et ce que j’ai apprécié beaucoup c’est que les gens ici ne sont pas comme en Roumanie. Ici, c’est la France, c’est un pays étranger, on connait pas la langue, donc c’est le moment de s’aider entre nous. Y a vraiment un lien social, un accueil et une sorte d’aide, de solidarité entre nous… vraiment y a des femmes… par exemple, nous on n’avait pas de cabanes : y a des hommes qui ont aidé mon mari à ramener du bois, les palettes, le plancher, les clous et tout, les outils quoi ; y avait les femmes qui me donnaient les couvertures qu’elles avaient trouvées dans la rue, parce que tout était récupéré. En fait on vivait toujours avec des choses récupérables dans la rue. Oui, ils partageaient tout : des tasses, des assiettes, tout ce qu’il faut dans une maison quoi. On allait nous aussi chercher, et y avait des femmes qui m’apprenaient. »

C’est la découverte des solidarités entre les familles, mais aussi du travail de plusieurs associations, qui l’incite à s’engager : « Alors moi je me suis dit, parce que je parlais bien Espagnol à l’époque, et y avait des bénévoles du Secours Catholique, ils venaient pour accompagner les femmes aux urgences, les femmes enceintes, etc. donc du coup moi j’avais proposé de traduire. Je vais essayer, je me suis fait des liens en fait avec eux, et j’ai même accompagné des femmes. Je connaissais pas le truc du bénévolat, je connaissais même pas le mot bénévole, mais je me suis engagée comme ça. Ils ont adoré et tout, après ils ont essayé d’inscrire D. à la crèche. En fait je voulais qu’elle aille à la crèche pour ne pas vivre la situation du terrain, comme ça elle est toute la journée là-bas. On n’a pas réussi : on nous a pas reçues. Aucune. Dès qu’elles nous regardaient là… »

Liliana fait très vite, et à plusieurs reprises, l’expérience des expulsions et de leur violence. L’expulsion des terrains où elle et sa famille avaient, avec d’autres, construit leur habitation et organisé collectivement leur vie, mais aussi l’expulsion de son conjoint vers la Roumanie et son interdiction d’entrée dans l’espace Schengen d’une année, qui pousse Liliana et leur fille à le rejoindre pour quelques mois.

« C’était des expulsions sans préavis, du jour au lendemain, à 6 heures du matin, embarqués : « Sortez, partez du terrain » (…) Jusqu’en 2008, moi j’ai pas connu des terrains pris en charge par l’Etat, des projets… j’ai pas connu. Et donc, on nous expulse et on essaie l’Espagne après. Parce que, c’était l’expulsion la plus marquante : la police nous a escortés pendant deux jours et deux nuits, dans plusieurs villes. Une voiture de police derrière nous, pour pas laisser s’installer. Et ils marchaient derrière nous pendant deux jours, deux nuits. Et D., qui était petite, sur le dos de mon mari, il ne pouvait plus. Au bout d’un moment je me suis énervée, je suis allée à la voiture j’ai dit : « Mais, on ne peut plus marcher, prenez la dans la voiture, elle est fatiguée, laissez-la dormir, au moins ici dans un parking ». On a essayé de dormir dans un parking, le maire du Bourget est arrivé, le maire du Bourget ! On était sur des cartons. »

Liliana raconte aussi l’espoir qu’a représenté l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne au 1er Janvier 2007. Un espoir rapidement déçu, dès lors que les personnes de Roumanie et de Bulgarie demeurent concernées par des mesures transitoires limitant leur accès au marché de l’emploi.

« C’est un beau moment où on s’est tous éclatés, la fête et tout : l’entrée dans l’Union européenne, 2007 : on avait pensé que ça y est, c’est fini… on a fêté comme une libération quoi, sur le terrain ! J’ai des photos, de cette fête. On était bien habillés et tout on criait, on hurlait sur le terrain : 2007, c’est la fin des mesures transitoires et tout, on aura un travail… On faisait des blagues : « Qu’est-ce que tu veux comme travail ? », « Alors moi j’aimerais bien travailler dans un magasin, à la caisse », des trucs comme ça (…) c’est vraiment un moment où on se dit « ouah », on se fait des blagues entre nous, d’un travail super, « Moi j’aimerais bien être je sais pas, femme de ménage » … y en avait certains qui disaient, comment ont dit, ouvrier dans le bâtiment, plombier… On faisait des blagues parce qu’on se disait : ça y est, on va pouvoir facilement travailler maintenant, et on va pouvoir rester. En fait, c’était pas le cas. »

Les barrières à l’emploi comptent parmi les discriminations que connaissent en France les ressortissant.es de Roumanie et de Bulgarie. Des mesures existent en effet pour décourager leurs employeurs potentiels, telles qu’une taxe de près de 900 euros à l’ANAEM (aujourd’hui OFII), une procédure complexe de demande d’autorisation de travail, l’obligation de proposer un contrat à temps plein rémunéré au SMIC, excluant ainsi les temps partiels. Enfin, les expulsions de squats et bidonvilles sans solution de relogement sont fréquentes, de même que les mesures d’éloignement du territoire, « distribuées de manière ciblée et systématique sur les lieux de vie »[1], maintenues après l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne au 1er Janvier 2007.

La rencontre avec l’Aset 93 : un moment clé dans le parcours d’insertion professionnelle et d’engagement

« Et du coup, à partir de cette étape-là, trois semaines après on s’est fait expulser de ce terrain. Donc du coup on trouve un terrain à Bobigny. Ce terrain-là, ça nous a porté le bonheur. Ouais, c’est ce terrain-là qui nous a apporté vraiment le bonheur dans notre vie. Parce qu’au bout de trois semaines d’installation y avait quand même une demande d’expulsion, mais y avait le Département et la Mairie qui voulaient mettre en place, la première fois, mettre en place des hébergements pour les familles. En fait, les ramener dans des cars et les amener dans les hôtels. Le but, je le comprends maintenant, mais à cette époque-là j’avais pas compris, qu’en fait leur but c’était de dispatcher les familles, trois-quatre jours à l’hôtel, et après, dehors. Mais moi sur ce terrain en attendant cette expulsion, je tombe sur une association qui fait la scolarisation des enfants tsiganes, en Seine Saint-Denis [l’Aset 93]. Cette association a demandé d’inscrire les enfants, moi j’ai inscrit du coup ma fille. Et la rencontre avec la Présidente de l’association (C.) : je sais pas, il y avait quelque chose dans nos yeux, et elle, elle m’a regardée avec des larmes. Y avait une transmission entre nous deux. Donc du coup elle m’a accompagnée pour toutes les démarches, mais j’ai jamais compris pourquoi D. n’a pas été inscrite dans une école maternelle publique. Elle a été inscrite dans une école privée, et tu sais pourquoi elle n’a jamais été inscrite dans une école publique ? Comme c’était pas obligatoire, ils voulaient pas…

On s’était dit : on joue le jeu, c’était important, parce qu’on voyait en fait le résultat c’est que nous sommes à l’hôtel, nous sommes hébergés grâce… en fait l’association avait comme exemple, pour défendre l’association, c’était D. qui est à l’école, pour permettre à cette enfant d’être bien et tout, bien propre à l’école, bien reposée… tu vois ? Ils se sont basés là-dessus. Donc nous il fallait qu’on joue le jeu. Et on est partis voir des assistantes sociales et tout, on a été vraiment bien suivis par cette association. Et finalement vu que cette association, C., n’avait pas de possibilité pour me trouver un travail – elle voulait absolument qu’elle me trouve un travail – elle crée un poste, à l’association. Elle a créé un poste de médiation scolaire (…) En fait, sensibiliser les familles pour scolariser les enfants, faire la médiation, faire le lien entre les institutions, Mairie et famille, intervenir sur les problèmes de discrimination, faire du plaidoyer aussi… c’était vraiment… ouh, beaucoup de travail ! Parce que j’avais pas un terrain : j’avais Courneuve, Bobigny, Pantin… J’étais tout le temps dehors. (…) Je suis la première Rom à avoir travailler, avoir eu un contrat de travail, au moins dans le 93, dans le milieu où je connaissais les familles. Moi j’ai eu un contrat, j’ai eu la carte de séjour en 2008, une carte de séjour de dix ans. (…)

En fait, comment j’ai découvert le désir, le sentiment de vouloir aider ? À chaque fois, mon boulot consistait dans la scolarisation, pas plus. Mais les familles où je scolarisais les enfants avaient toujours un problème : « Est-ce que tu peux m’accompagner à la Préfecture ? », « Est-ce que tu peux me faire un compte à la CAF, numéro d’allocataire » et tout ça, « Est-ce que tu peux m’aider à faire mon Aide médicale d’Etat ? ». Et donc, pendant mon temps libre, je faisais ça : je donne des rendez-vous, et quand j’avais du temps libre, je complétais les dossiers tout ça. Et j’ai vu qu’il y avait un fort besoin. Et j’ai vu aussi qu’il n’y avait pas beaucoup d’asso… y avait des collectifs de soutien (…) des Français, gadji… qui veulent aider en fait, tu vois, c’est des gens comme moi qui veulent aider, qui sont sensibles à la situation (…) Par exemple, les étudiants souvent ils viennent pour aider mais ils apprennent à la fois tu vois, ils ont connaissance des publics migratoires et tout, parce que tu découvres, tu discutes avec la famille… c’est bien pour la culture, l’apprentissage de cette culture. »

Un projet d’insertion à Montreuil : de l’opportunité professionnelle à un nouvel ancrage


En 2009, la ville de Montreuil met en place un dispositif de relogement pour des familles roms roumaines établies dans la commune depuis une dizaine d’années. Le relogement pérenne et l’intégration des familles roms de Montreuil étaient au programme de Montreuil Vraiment dans le cadre de la lutte contre le « logement indigne », ce que l’élection de Dominique Voynet a permis de concrétiser[2]. Entre 2009 et 2014, la maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS), « devenue aujourd’hui le principal remède aux ‘bidonvilles roms’ en région parisienne »[3], permet d’accompagner une centaine de familles réparties sur deux sites, sur la base d’un cofinancement Etat-collectivités locales et de leur travail avec des associations. Pour Liliana, ce projet représente une opportunité professionnelle qui favorise un nouvel ancrage : l’installation à Montreuil et la pérennisation d’un engagement pluriel.

« Montreuil avait décidé en 2008 de monter un gros projet d’insertion, pour les familles roms à Montreuil, suite à un incendie sur un squat. Donc du coup, le moment de cet incendie, c’est Dominique Voynet qui est maire de Montreuil, au moment de son élection. Donc elle ne savait pas quoi faire, elle a dû improviser. Elle a dit : « On va aider les familles, on ne va pas les laisser, comme ça ». Parce que toutes les familles se retrouvent dans la rue. 358 personnes. Elle les prend en charge. Elle a ce courage. Alors que les Roms en France c’est un problème politique. C’est vraiment un vrai sujet politique, surtout pendant les élections : on ne parle pas des Roms pour ne pas perdre les élections. En France. Et donc elle prend ce courage, elle prend ce projet, elle fait une annonce sur internet : « On a besoin de deux médiateurs roms, deux personnes qui font le lien entre nous et les familles, mais on veut des Roms ». Alors, [une personne de l’Aset 93] pense à nous, il voit l’annonce, mon mari travaillait pas. Il nous dit : « Bonne nouvelle, on peut te faire une moitié de travail, encore 20 heures par semaine, à Montreuil, sur le projet d’insertion ». Donc du coup, grâce à ce projet, ça nous a permis aussi de sortir de l’hôtel. On débarque à Montreuil dans une caravane, sur le terrain où il y avait les familles de la MOUS, une partie. Parce que les familles étaient dispatchées sur trois terrains – parce qu’ils étaient nombreux hein. Nous on avait en tout, sur notre terrain, en charge 35 familles, autour de 100 et quelques personnes. Et donc on débarque à Montreuil, on s’installe et on commence le travail avec la MOUS, donc moi j’étais médiatrice sociale, ensuite ils ont transformé mon contrat en agent d’accueil avec mon mari. Donc on a eu cette expérience de la MOUS, et on a travaillé en lien avec la Mairie de Montreuil, si tu veux on avait beaucoup de lien plus avec la Mairie qu’avec les associations.

On savait qu’en 2014, le projet de la MOUS va prendre fin. On avait prolongé encore deux ans et demi, depuis 2011. Parce qu’on a fait une action super, super, super, et on a réussi (…) parce qu’on avait beaucoup de réclamations, des voisins et tout, c’était pas bien aménagé et tout. Avec mon mari, on a eu une idée : on va tout ranger, faire du nettoyage. On a vidé sept bennes. Sept bennes ! tous les déchets, tous les trucs que les familles travaillaient, elles avaient plus besoin… et on a aligné les caravanes tu vois. T’avais les caravanes comme ça. Avant elles étaient comme ça, maintenant on avait fait trois lignes, des rangées. Y avait les toilettes, c’était super, l’entrée et tout, on avait tout aménagé. (…) C’est la Mairie de Montreuil tu vois qui nous a aidés, qui nous a donné des bennes et tout. Quelques jours après, on reçoit la réponse : prolongation de deux ans et demi. Jusqu’à 2014. T’imagines ? 

[Le terrain] appartient à la ville. Au début c’était un projet de trois ans : 2008-2011, donc il devait prendre fin, et avec les réclamations des habitants et tout ça, ça a empiré la situation. Donc le Préfet avait pris un arrêté. Les familles n’avaient aucune carte de séjour, aucun droit au logement (…) En fait la Mairie de Montreuil disait ça : « Comment on va réussir avec ces familles si elles n’ont pas de carte de séjour, si elles n’ont pas de travail, si elles n’ont pas des aides ? On pourra pas les reloger ». Le but de ce projet, c’est de faire un accompagnement socio-professionnel jusqu’au logement (…) Et on a trouvé la magie pour avoir le droit au séjour, la carte : la création d’entreprise. On a démarré tous les dossiers, tout. En fait, c’est pas nous hein, c’est une famille du terrain qui avait créé son entreprise. On l’avait aidée, y avait d’autres personnes du collectif de soutien qui l’avaient aidée. Donc du coup, on a vu qu’il a eu le titre de séjour, qu’il a eu la CAF, plein de trucs. Donc on a donné l’idée à l’association qui faisait ça. Et ils ont commencé les démarches. Je te jure, en deux ans, même pas deux ans, tout le monde avait la carte de séjour. » 

La création de l’association Rom Réussite et les élections municipales : un nouveau cadre d’engagement « citoyen »

Liliana parle avec beaucoup de reconnaissance des liens noués à Montreuil. Sur les conseils de Dominique Voynet, qui anticipe la fin du projet d’insertion en 2014, elle décide de fonder sa propre association de soutien aux familles roms : Rom Réussite. Elle raconte les luttes menées pour leurs droits : la scolarisation, le logement, l’emploi ; et pour les droits des femmes roms, une cause qu’elle a transmise à sa fille aujourd’hui âgée de 18 ans. Autant de luttes à travers lesquelles s’affirme son engagement « citoyen ». Liliana Hristache est depuis les dernières élections conseillère municipale, élue du groupe écologiste, en parallèle de son travail de gardienne d’immeuble pour l’Office public de l’habitat montreuillois. C’est un long chemin parcouru depuis la Roumanie et qui l’a encouragée dans son « combat » pour les droits des personnes roms et marginalisées. Un combat d’une grande actualité.

« On a monté l’association, grâce à ces idées : l’association Rom Réussite, en 2014. On l’a montée avec le chef de projet [de la MOUS], il était avec nous, il est dans notre bureau dans l’association. Et on a commencé d’accompagner des familles en difficulté, des familles qui n’avaient pas d’accompagnement, qui n’avaient pas d’association à côté d’eux et tout. Et pour arriver là où je suis aujourd’hui, je crois que c’est la lutte. Je crois que c’est la lutte que j’ai faite pour les personnes roms. Parce que j’ai lutté beaucoup pour les familles que j’ai accompagnées. C’était les familles de 150 Boulevard de la Boissière qui ont été expulsées en 2016. Pendant que nous on les accompagnait en fait, professionnellement. Je militais avec les familles, je suis restée pendant quatre mois devant la Mairie de Montreuil. Dans les tentes. »

Son engagement est le lieu d’une socialisation nouvelle, notamment politique, au contact des institutions et de nouveaux réseaux d’interconnaissance : « Donc du coup, grâce à cette mobilisation, j’avais un temps, comment te dire, le fait d’accompagner les familles, de lutter dans une lutte, d’être présente, de collaborer avec la Mairie, les services de l’Etat, j’avais fait des tables rondes et tout y a eu plein de réunions, c’était bien médiatisé et tout, donc du coup les Verts, l’an dernier, ils me proposent la place numéro 3 sur leur liste (…)

Grâce à ces luttes, toute cette implication. Tu vois je lutte pour les familles, contre les pouvoirs publics, [mais] je suis pas quelqu’un qui insulte, qui parle mal… Donc je crois que les politiques se disent : « Elle a un public derrière elle, on a besoin d’elle, on la prend avec nous ». Donc moi j’ai compris ce contexte. Mais pour te dire que même aujourd’hui, j’ai pas une carte de parti. Je me suis présentée avec le groupe écologiste en tant que citoyenne montreuilloise, c’est tout. Une citoyenne investie dans la ville, qui s’investit, qui aide les pauvres et c’est pour ça. Et mon but c’est, comment on dit, d’avoir un rapport de force et un peu plus de pouvoir dans mes combats, tu vois. Pour pouvoir aider les autres.

Donc y a les élections, le maire de Montreuil gagne la majorité, donc nous on est en opposition du coup. Et il nous a proposé de faire partie de la majorité, parce qu’on était en deuxième position sur le score. Et moi, il m’a proposé d’être conseillère municipale déléguée à la médiation, alors que normalement je devais être juste tout simplement conseillère municipale, pas avec une délégation. Là j’ai une délégation. Et tu vois, je crois que là je suis débutante tu vois, j’apprends beaucoup sur le conseil municipal, le bureau municipal, plein de trucs, y a plein de dossiers à faire. Et… en tant que personne étrangère, en tant que personne qui a vécu vraiment une sorte de migration assez terrible, assez mal parce qu’on a vécu des choses horribles… j’ai pas le temps de tout raconter, c’était hyper dur. Y a des super moments de ma vie. Je suis en train de monter sur l’escalier encore plus haut, plus haut, plus haut, et … je suis en train de m’impliquer dans une nouvelle vie, dans un nouveau truc que je connais pas et que j’apprends. (…) J’apprends que y a plein de choses à faire, des possibilités d’aider les autres. »


[1] https://www.ldh-france.org/Situation-des-Roms-en-France-et-en/

[2] Benarrosh-Orsoni Norah, « Bricoler l’hospitalité publique : réflexions autour du relogement des Roms roumains à Montreuil », in Géocarrefour, Vol. 86/1, 14 septembre 2011, p. 55‑64.

[3] Ibid., p. 56.

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