Pour un renouveau du combat pour les droits du peuple palestinien
Les combats politiques ont souvent leur symbole. Le peuple palestinien a choisi la clé.
En 1948, après le refus des Palestiniens de partager leur terre avec ceux qui, depuis quelques décennies, fuient l’antisémitisme européen en s’installant en Palestine, une guerre civile éclate. Les milices sionistes mettent alors en place leur plan, inspiré des techniques génocidaires utilisées par la France en Algérie. Des razzias commencent, des villages sont détruits, leurs habitants massacrés. Le plan Dalet vise à terroriser la population afin de la pousser à fuir: 13 000 personnes perdent la vie, et 750 000 désertent leur maison.
C’est cela que symbolise cette clé. L’exode de milliers de Palestiniens vers la Cisjordanie, la bande de Gaza, la Jordanie, la Syrie, le Liban, ou encore les pays du Golf, leurs installations dans des camps de réfugiés, mais surtout la proclamation de l’Etat d’Israël qui leur interdira à tout jamais de réouvrir leur portes. Depuis, 70 ans se sont écoulés, et le droit au retour, stipulé par la résolution 194 de l’ONU, n’est toujours pas respecté.
Taysir Batniji, artiste palestinien, a récemment demandé une carte d’identité en France. L’administration lui a répondu: “Il ne m’est pas possible d’indiquer Palestine comme lieu de naissance, cette dénomination n’étant plus utilisée pour les événements survenus à partir du 13 mai 1948. » Les maisons ont été rasées, la Palestine aussi, seuls les clés restent, symbole d’un peuple en exil et d’une justice bafouée.
Lorsque j’ai pris connaissance de cette histoire, j’ai été révoltée par le déni d’injustice dont a souffert le peuple palestinien. Partout dans les médias, une seule injonction: faire la paix avec Israël. Que cette paix soit juste et réparatrice n’a pas d’importance. Mais ce qui s’est passé en Palestine, et continue de se passer, n’est pas un conflit mais le remplacement d’un peuple par un autre.
Cependant, quand je parle autour de moi de mon engagement auprès de l’Association France Palestine Solidarité et de la Coordination Européenne des Comités et Associations pour la Palestine, les réactions sont mitigées: un sentiment partagé entre la volonté de me soutenir dans ce combat juste et important, et la réticence liée aux accusations d’antisémitisme, au manque d’information, et à l’impression d’une lutte perdue d’avance, symbolisée par l’éternel drapeau palestinien qui flotte en vain au dessus de n’importe quelle manifestation.
Mais ce n’est pas seulement le désintérêt des autres qui me dérange, c’est aussi la manière dont j’anticipe de blesser un ami de confession juive, de recevoir un regard suspicieux sur mes intentions de défense des droits de l’Homme, ou au contraire de commencer une conversation à laquelle je n’ai pas envie de participer, pleine de théories du complot sur un lobby juif qui contrôlerait le monde.
Le débat sur la Palestine en Occident est brouillé par la stratégie de communication de l’Etat d’Israël et de ses alliés. L’Histoire est transformée, Israël n’est plus un état colonial brutal faisant vivre ses citoyens et peuple occupé sous le régime de l’apartheid, mais une grande nation moderne, aux avancées technologiques impressionnantes et aux moeurs libérées. Venez danser dans nos boites de nuit gay, gouter notre gastronomie vegan, vous prélasser sur nos plages et admirer la manière dont notre armée, “la plus morale du monde”, nous défend de ces dangereux terroristes qui nous entourent, et qui convoitent notre terre. Les filles sont sexy et on y mange bien, alors pourquoi chercher plus loin ? Si vous le faites, c’est parce que vous êtes antisémites.
Pourquoi les associations en solidarité avec la Palestine n’arrivent-elles pas à se saisir de la conversation ? La question que je me pose est donc: pourquoi ne sommes nous pas meilleurs ? Pourquoi le monde entier ne sait-il pas que des organisations créent des campagnes de diffamation à l’encontre de défenseurs des droits de l’Homme ? Que des palestiniens sont attaqués chaque jour, par l’armée et par les colons israéliens, pour le seul crime de s’accrocher à leurs terres ? Que je dois changer mon nom dans mes communications avec des parlementaires européens, par peur d’être dénoncée comme activiste, et d’être empêchée de me rendre en Palestine par la grande nation démocratique qu’est Israël ?
Je pense qu’il est temps de repenser la stratégie de communication des défenseurs des droits de l’Homme pour la rediriger vers les jeunes. Le combat pour la justice n’avancera pas sans une mobilisation massive des forces progressistes, et cela ne se fera pas sans créer d’alliances avec les autres mouvements de lutte contre les discriminations. De #MeToo à #BlackLivesMatter en passant par #FreeUyghurs, les dernières mobilisations nous ont montré l’importance de l’utilisation massive des réseaux sociaux dans la perception de l’opinion public. Il est crucial que les défenseurs des droits s’emparent de cet outil, et s’engagent pour un changement de l’image de la question palestinienne.
A 21 ans, après trois ans passés à Londres pour mes études, je pars comme volontaire à la Coordination Européenne des Comités et Associations pour la Palestine (CECP ou ECCP) à Bruxelles, en lien avec l’Association France Palestine Solidarité (AFPS). Ce volontariat s’inscrit comme suite logique de mon engagement pour les droits du peuple palestinien, une cause qui m’a touché dès le lycée et pour laquelle je me suis engagée durant ma licence de relations internationales à SOAS.
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