« A Samos, il n’y a pas de problèmes ! »

J’avais prévu un tout autre article commencé il y a trois semaines, mais les événements d’hier m’obligent à le laisser de côté.

Pancartes des manifestant.e.s retrouvées dans la rue

Vathy (Samos), samedi 25 mai 2019, 08h00, réveil difficile.

La nuit a été belle et musicale. Les cris que j’entends dans la rue écourtent ma nuit commencée il y a peu. Je tente de reprendre mes esprits. On dirait que des personnes se font poursuivre, il y a des cris puis soudain deux tirs. J’entends des échanges « ils nous ont pris toutes nos claquettes pour nous empêcher de partir manifester ».

Ça y est j’ai repris mes esprits, on a été avertis hier soir que des exilé.e.s d’origine africaine prévoyaient de manifester à 8h00 ce matin. Je me lève en vitesse et rejoins mes collègues allemands déjà dans la rue.

Premières informations. La manifestation aurait tournée court, la police a réprimé les manifestant.e.s 15 minutes après le début de la marche pacifique. J’ai à peine le temps de tenter de comprendre la situation que nous voyons arriver une voiture de police en bas de la rue poursuivant un exilé. Ils prennent la rue à l’angle. L’homme crie de douleurs. Nous le rattrapons en courant. Il est effondré au sol, en pleurs. Il a été matraqué dans le dos.
J’apprends que mon ami Jérôme, journaliste indépendant a été arrêté.

Nous nous dirigeons vers l’entrée du camp où l’ensemble des manifestant.e.s a été parqué. Deux rangées de policiers* ferment l’accès au camp. Nous nous asseyons de l’autre côté de la route. Nous voulons être témoins de la répression qui sévit à l’encontre des exilé.e.s. A ma droite, des policiers en civils nous prennent en photo. Les exilé.e.s crient des slogans, ils/elles tentent de discuter avec les policiers. Rien n’y fera, toute entrée ou sortie du camp est interdite.

Soudain un policier s’approche « vos papiers s’il vous plaît ». Surprise. Par chance j’ai mon permis de conduire avec moi. Malheureusement, la plupart de mes camarades (encore en pyjama) n’ont rien sur eux, seuls deux d’entre eux ont leur passeport. Le policier part avec nos documents puis revient, « venez tous avec nous » – « mais Monsieur, nous regardons juste ce qu’il se passe » – « vous montez tous dans le camion, on a reçu l’ordre de vous contrôler ». La discussion est impossible, on monte. Notre arrestation provoque une énorme colère chez les exilé.e.s qui se mettent à huer les policiers.

Au poste nous retrouvons notre ami Jérôme arrêté à 7h30 ce matin. Alors qu’aucun motif d’arrestation ou d’interrogation ne nous a été notifié, tous les téléphones portables sont confisqués et emmenés dans un bureau. On restera jusqu’à 10h30 au poste de police. Le temps qu’ils puissent vérifier un certain nombre de fichiers nous concernant… La seule explication qui nous sera donnée pour ce contrôle d’identité de plus de deux heures est « votre présence allait envenimer la situation ».
La conclusion est simple, il fallait étouffer cette manifestation et empêcher toute personne d’assister à cet événement car « à Samos il n’y a pas de problèmes »**.

10h30. Retour à l’entrée du camp. Plus personne. Comme prévu tout est passé inaperçu. A Vathy, les exilé.e.s sont des indésirables sans voix.

Aujourd’hui on vote en Europe. Votons pour une Europe accueillante et respectueuse des droits de chaque être humain. Votons contre l’Europe des hotspots, de l’enfermement, des frontières et de Frontex.

* J’ai encore des recherches à faire sur l’identité de ces policiers car certains en uniformes verts sembleraient être des agents de Frontex
** Citation d’un policier

PS : Pour un aperçu des conditions de vie dans le hotspot de Samos, je vous invite à lire cet article : « Samos est le pire endroit en Grèce pour les réfugiés »

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