Quand Facebook devient la principale source d'information d'un pays…


Fake-news ? Hate speech ? Désinformation ? Même si le danger est réel, ce n’est certainement pas au gouvernement de décider si une information est une fake-news ou non et de contrôler la manière dont la presse peut aller rechercher ses informations. C’est pourtant ce que le président français a annoncé vouloir faire dans son discours du 3 janvier. Alors oui, la diffusion de fausses informations, notamment sur les réseaux sociaux, est un vrai fléau qui peut s’avérer très dangereux. C’est un phénomène touchant l’ensemble des pays et dont la dangerosité varie selon le contexte politique. Mais ce n’est pas une raison pour bafouer les principes « démocratiques » que sont la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Fervente utilisatrice de Facebook, il semblerait que ce soit devenu ma principale source d’information depuis quelques années. Plus l’on passe de temps sur ce réseau, à éplucher les différents articles, commentaires et réactions qui en découlent, plus il est facile de se heurter à de nombreuses fake-news, hate speech, voire même à de la propagande. Ayant d’abord remarqué ce phénomène en France (notamment pendant les périodes électorales), il est d’autant plus frappant en Birmanie.
La Birmanie est un pays ayant subi une dictature militaire de plus de 60 ans. Cette situation politique aura maintenu la population birmane à l’écart d’internet jusqu’en 2008. Puis, suite à l’ouverture du pays et avec une diminution de la censure, l’utilisation d’internet et de Facebook a rapidement augmenté. Il suffit de trainer un peu sur le fil d’actualité d’un Facebook birman pour se rendre compte du danger que ce réseau représente. En effet, de nombreuses pages publient caricatures, memes et articles niant le nettoyage ethnique des Rohinyga. Ces mêmes pages accusent les médias occidentaux de transformer la réalité afin de favoriser l’infiltration de terroristes en Birmanie.


Une récente étude estime que 38% des utilisateurs birmans de Facebook utilisent ce réseau comme principale, voire unique, source d’information. Or, le nombre de nouvelles anti-Rohingya circulant sur ce réseau est impressionnant. Ces nouvelles sont publiées non seulement par des comptes privés, mais aussi sur les pages officielles de personnalités publiques telles que celle du chef de l’armée birmane, le général Min Aung Hlaing ou encore sur le compte de la conseillère d’Etat Aung San Suu Kyi. On trouve par exemple, sur la page du moine extrémiste bouddhiste Wirathu, des photos de morts avec une légende expliquant que ce sont des corps de bouddhistes tués par des musulmans. Puis, si l’on fait un tour sur la page officielle du porte-parole d’Aung San Suu Kyi, on retrouve facilement des allégations affirmant que les Rohingya auraient brûlé leurs propres villages pour ensuite accuser l’armée.
Ce phénomène de fake-news participe grandement à l’opération de « lavage de cerveaux » que subissent actuellement les jeunes Birmans. En effet, il sera difficile pour eux de contredire les informations qui leur sont proposées sur leurs réseaux sociaux lorsque ces informations proviennent de personnalités publiques et politiques influentes. De plus, les médias traditionnels via lesquels ils peuvent également s’informer ne seront pas toujours neutres car très contrôlés par l’armée ou le gouvernement. Les médias internationaux sont, quant à eux, extrêmement critiqués et ont un accès limité aux informations de terrains comme le prouve la récente arrestation de deux journalistes de l’agence de presse Reuters. Ces journalistes se sont fait arrêter pour « atteinte au secret d’Etat » car ils ont enquêté sur les opérations militaires qui ont suivi les attaques du 25 août 2017 dans l’Etat de Rakhine. Cette affaire montre également les limites de la prétendue « démocratie birmane ».
C’est dans ce contexte que, lors de discussions avec des étudiants birmans en sciences politiques, j’ai pu me heurter à des « Ce sont eux (les Rohingya) qui ont commencé la guerre !», « Tout est de leur faute, ils n’ont rien à faire chez nous ! ».
Alors, que faire face à cet afflux de fake-news ?
Un contrôle gouvernemental sur les informations diffusées par les médias (plus étendu que le contrôle déjà existant), n’est pas imaginable sans que cela porte atteinte à la liberté de la presse ou à la liberté d’expression. Or, c’est vers ce genre de « politique » que se dirige le gouvernement français en dénonçant les pratiques d’un média financé à 100% par l’Etat russe à travers un média financé à 100% par l’Etat français. Pour ce qui est du contrôle effectué par Facebook, un poste ne peut être supprimé que s’il est dénoncé comme étant particulièrement obscène ou contenant des menaces. La désinformation n’est malheureusement pas un motif de suppression de poste Facebook.
Face à cette situation, la société civile se mobilise et effectue un travail de veille et de dénonciation. C’est par exemple le cas de la Cimade en France qui a réalisé une campagne de désintox concernant les