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Italie / Travailleurs migrants saisonniers et agriculture paysanne /

Un dimanche à Rosarno
22 mars 2012 par Antoine

Comme tous les jours de la semaine, Rosarno se lève tôt. Dès 7 heures, les travailleurs immigrés se regroupent sur les « piazza », ces intersections et ces places qui, le temps d’une matinée, prennent l’allure d’un marché humain. Les camionnettes se succèdent et sélectionnent les « élus » du jour. Dans la cohue, un vieux sénégalais tente tant bien que mal de camoufler ses rides sous son bonnet.

Le dimanche, les piazza connaissent une affluence inhabituelle. Les contrôles de police et des inspecteurs du travail sont plus rares, les travailleurs sans papiers tentent leur chance et viennent grossir les rangs de cette foule sans visage.

Passé 9 heures, ceux qui restent savent qu’ils ne trouveront plus de travail. Une nouvelle journée de perdue. Chacun tue le temps à sa façon en attendant le lendemain et son lot d’espoir.

Rosarno a des airs de zone de conflit. Un peu partout des constructions illégales jamais terminées sont laissées à l’abandon. Tout est en chantier et semble vouer à le rester. La ville s’est construite de manière abusive et anarchique, défiant toute les logiques de l’aménagement urbain. Il n’y a ni centre, ni périphérie. Les espaces récréatifs ou de socialisation sont quasiment inexistants. Même le complexe sportif a été fermé il y a des années à la suite de la dissolution du club local pour infiltration mafieuse. Autour, s’étend une vaste zone industrielle jamais entrée en activité. Paysage aux allures postmodernes où des usines d’un autre temps sont englouties par la végétation.

Il est midi et les rues sont vides. Pour trouver un peu d’animation il faut rentrer dans un des centres de pari sportif (plus d’une vingtaine pour une population estimée à 15 000 habitants) ou dans l’un des bars du coin où se croisent immigrés et autochtones le temps d’un café. Ici, on te serre différemment selon ta couleur de peau, et les noirs ont souvent droit aux tasses en plastique jetables. Le racisme à Rosarno est entretenu par la misère, il est l’arme du dernier contre l’avant dernier dans l’ordre libéral, l’apanage d’un territoire sinistré, gangréné par la criminalité organisée.

Après l’effervescence à la sortie de l’église, la ville s’endort. Elle se réveille brusquement aux alentours de 17 heures, lors du retour des ouvriers agricoles de la campagne. Le tumulte des klaxons et des éclats de voix la sort de sa torpeur. La rue est envahie par ces travailleurs anonymes, les conversations s’engagent, les groupes se font et se défont aux grés des rencontres. Ça parle wolof, bulgare, français, dioula, anglais, roumain, marocain…La mondialisation à échelle humaine.

Pourtant, l’atmosphère est pesante, les regards traduisent la défiance et la crainte. La tension est palpable. C’est un univers d’hommes, avec un petit h.

Tous les dimanches, en fin de journée, « Mama Africa », une rosarnaise de souche, organise un grand repas ouvert à tous les saisonniers agricoles. Ca fait presque trente ans qu’elle prépare à manger pour ceux qui viennent pendant la récolte des agrumes. A l’époque, ces immigrés étaient des femmes originaires des villages de montagne de l’intérieur de la Calabre. Aujourd’hui, ce sont des hommes des quatre coins du monde qui sont assis autour de la table sous le regard absent de Mama Africa qui semble ne reconnaitre personne en particulier.

La journée se termine par l’assemblée hebdomadaire de l’association Africalabria. Des militants et des travailleurs, italiens et africains, se réunissent pour discuter des problèmes rencontrés au quotidien et réfléchir ensemble aux luttes à mener. Grace aux cours d’italien organisés depuis un mois, tout le monde peut désormais participer aux débats. Ce soir il est question de la stratégie à adopter face aux camps d’accueil, des possibilités d’une large régularisation et de l’organisation d’une journée culturelle africaine…

Un dimanche à Rosarno, c’est un jour comme tous les autres.




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