Entr’aperçu de l’explosion des réseaux sociaux dans le contexte révolutionnaire tunisien
Vendredi soir. Une petite chambre avec balcon dans la médina de Tunis. J’éteins enfin mon ordinateur dont la température, après une telle semaine de travail, ferait roussir un shawarma. Le moment de se détendre avec les nouveaux amis rencontrés lors de mes premiers jours dans la Tunisie révolutionnaire. D’un pas pressé je rejoins l’avenue Bourguiba, tente de reconnaitre ici une terrasse de café, là un bar discret. La ville est très petite, et nul besoin comme à Paris de tergiverser par texto sur les lieux de rencontre. A peine arrivé je croise déjà trois copains terminant leurs cafés sous des parasols qui me font signe de les rejoindre. Il me faut peu de temps pour me rendre compte que d’autres contacts de différentes associations sont attablés un peu plus loin. Amis, collègues, connaissances d’amis français, les réseaux se recoupent, de même que les contacts avec l’étranger recroisent des lieux que je connais bien comme Belleville ou la Porte de la Villette à Paris. On se retrouve d’un coup dans un tout petit monde jeune, urbain et de gauche, qui sort de l’ombre après de nombreuses années de dictature. La nuit avance, les discussions fusent, les groupes se défont pour se refaire quelques heures plus tard, le temps d’aller manger des poulpes marinés ou de décapsuler quelques Celtia dans les bars qui écument la jeunesse branchée, militante, journaliste ou artiste. Les langues sont très déliées et on a presque du mal à imaginer comment les choses se faisaient avant la Révolution du 14 janvier, à l’époque où il fallait être discret, se taire. "Le fait que tout le monde se retrouve ainsi est quelque chose de très nouveau" me dit mon voisin de tablée avec qui je sympathise au rythme des verres. "Avant, j’avais des collègues de travail, des amis avec qui je parlais de foot, et ceux avec qui je militais. Ils constituaient chacun des groupes hermétiques entre lesquels personne ne se connaissait. Puis il y a eu la Révolution, tout le monde s’est retrouvé dans les meetings, les sit-in, et d’un coup tous mes amis se sont assis à la même table et nous avons pu parler librement de politique et de tout un tas de choses...comme si tous les réseaux avaient explosé et s’étaient mélangés !". La soirée, qui s’achève à l’aube, a un goût de nouvelle liberté...sans défaire la forte impression qu’il me reste énormément à apprendre sur les enjeux et la portée de ce nouvel élan. Photo : David Weekly sous licence CC BY 2.0 |
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