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Roumanie / Travailleurs migrants saisonniers et agriculture paysanne /

Roumanie : "Notre pays brûle, et vous filmez des pétards !"
23 janvier 2012 par Daïka

Depuis le 12 janvier, une vague de contestations déferle sur tout le pays entrainant avec elle retraités, étudiants, actifs, chômeurs … : ils sont des milliers à sortir chaque jour, dans des dizaines de villes, afin d’exprimer leur mécontentement face à une nette dégradation de leurs conditions de vie, provoquée par la politique d’austérité menée par le président Traian BASESCU depuis 2 ans. Témoignage de Ramona DUMINICIOIU, une jeune activiste de la ville de Cluj-Napoca, membre bénévole d’ECORURALIS, association de paysans pratiquant et défendant l’agriculture traditionnelle et écologique.

Cela fait plusieurs jours que les roumains descendent dans les rues en réclamant la démission de BASESCU. Qu’est-ce qui a déclenché ce soulèvement général ?

Cela fait maintenant 10 jours que les roumains manifestent dans plus de soixante villes, et ce mouvement prend de l’ampleur. Des dizaines de milliers de roumains demandent à ce que le gouvernement démissionne. Les gens veulent une nouvelle classe politique. Des cadres de débats sont crées par les citoyens sur la place publique. Les problèmes sont exposés, les gens revendiquent leurs droits.

Tout à commencer il y a deux semaines, lorsque le président, qui a « une manière très non-démocratique » de s’impliquer dans les processus et les réformes législatives de l’Etat, a fait passer une loi visant la privatisation du système de santé ; il a poussé à la démission une personne très importante, un médecin qui s’appelle Raed ARAFAT, sous secrétaire d’Etat à la santé. C’est un homme d’origine palestinienne, qui a étudié en Roumanie et qui y vit depuis plus de 20 ans. Ce dernier a fondé en 1991 le Service mobile d’urgence, réanimation et désincarcération (SMURD), qui est très performant. Les résultats de son travail ont vraiment été vus et expérimentés par les roumains. Nous avons tous une grande confiance en cette personne. Il a posé sa démission en signe de protestation face à cette réforme qui vise à terme la privatisation du système de santé.

Quand tout le monde a vu l’injustice grave commise contre lui et contre le système de santé qui jusqu’à maintenant est des plus efficace, ça a déclenché une force incroyable au sein de notre société. Les roumains ont vraiment commencé une révolution dans la rue, et réclament la démission de BASESCU et la tenue d’élections législatives anticipées.

Frappée de plein fouet par la crise économique, la Roumanie a adopté depuis 2010 une politique d’austérité drastique, qui a gravement atteint la qualité de vie des roumains. En quoi consiste cette politique ?

Il faut savoir que les roumains ne sont pas dans la rue juste pour ce qui concerne la santé. La démission de Raed ARAFAT a été le déclencheur de la révolte contre l’austérité instaurée. On est dans la rue à cause de mesures prises par le gouvernement qui s’érigent contre l’intérêt public et qui servent seulement des intérêts privés. Depuis deux ans on subit des mesures terribles : la TVA a augmenté de 5%, les salaires de la fonction publique ont été diminués de 25%, les allocations chômage ont été amputées de 15%, les aides aux personnes handicapées grandement diminuées...

En même temps, en 2009, on a eu une mesure fiscale désastreuse : des taxes fiscales, qu’on appelle « taxes forfaitaires », ont été imposées aux petites et moyennes compagnies ; c’est une taxe très élevée qui a affecté directement plus de 100 000 entreprises qui se sont fermées suite à l’application de cette loi ; ça a crée du chômage, ça n’a pas apporté plus d’argent à la population, ça a crée l’inverse de l’effet attendu ; ces mesures montrent que le gouvernement ne se soucient pas des gens pauvres, des catégories sociales défavorisée, leur politique est inefficace pour construire une économie locale et régionale efficiente, et met les roumains en difficulté.

Comment se positionnent le président et le gouvernement face à ces contestations ?

BASESCU n’a fait aucune intervention publique depuis le début des manifestations, et ceci ne fait qu’augmenter la colère des protestataires. Avant que les manifestations commencent, il était vraiment le porte parole du gouvernement, de toutes les instances gouvernementales possibles et imaginables ; il prenait la place dans toutes les institutions de l’Etat. Maintenant, il adopte un silence complet. On voit que le président a peur. Ca c’est sûr, et ça nous donne encore plus d’énergie !

Grâce aux manifestations, le gouvernement a cédé deux fois : il a laissé tomber cette proposition de loi qui avait l’intention de privatiser le système de santé ; ça, c’est la première chose qu’on a gagné ; la seconde, c’est la réintroduction de Mr Raed ARAFAT au sein du gouvernement : ça aussi c’est une demande des protestataires, et elle a été honorée.

Mais aujourd’hui, l’attitude du président et du gouvernement est véritablement lâche. On a été choqué de voir le premier ministre, Emil BOC, lors d’une déclaration publique, dire que l’économie de la Roumanie était stable et qu’on était en pleine croissance. Cette dernière est très abstraite, on ne la sent pas encore dans nos poches ! On ne la voit pas, on ne la vit pas. Le ministre a également déclaré que le fait de sortir dans la rue représentait un danger pour cette « stabilité économique ». Ce discours a quelque chose de fou. Il a l’air de ne pas avoir conscience que les manifestants sont très lucides, très intelligents, qu’ils comprennent vraiment la situation, et qu’on ne peut pas leur faire avaler n’importe quoi.

Je crois que les roumains sont vraiment la force qui peut changer notre pays. Là où l’opposition a échoué, le peuple a réussi. Aucun parti n’a su agir face à toutes ces mesures restrictives ; mais quand le peuple est descendu dans la rue, il est parvenu, en très peu de temps, à obtenir justice par rapport au système de santé, et ça nous donne beaucoup d’énergie pour continuer la lutte !

Qui est l’opposition et comment se positionne t’elle ?

Le parti au pouvoir est le Parti Démocrate Libéral (PDL), et l’opposition est représentée par le l’Union Sociale Libérale (USL), formée par 3 partis. En ce moment l’opposition elle plutôt faible. Ces dernières années, elle n’a pas pu agir contre les mesures économiques injustes, elle n’a pas été capable de représenter les intérêts publics. Elle essaye maintenant, bien sûr, de profiter de cette situation où le gouvernement est gravement remis en cause par le peuple, pour se mettre dans une position favorable aux yeux de l’opinion.

Je suis tellement heureuse de voir, partout dans la Roumanie, une telle solidarité. Nous ne sommes pas sorti dans la rue pour mettre au pouvoir l’opposition, ce n’était pas notre but. Et quelque part l’opposition le comprend. Elle reconnait le mérite des citoyens roumains, pour les protestations, pour tout ce qui a été obtenu jusqu’à présent. J’espère que tous les politiques vont réfléchir à la réaction publique, que les roumains vont continuer à utiliser leurs voix, et que le gouvernement et le président actuel vont tomber. J’espère aussi que tout ce qui se passe va vraiment servir dans le futur pour que la classe politique soit attentive à ne pas se fourvoyer dans une politique dictatoriale et à ne pas voler nos droits et notre avenir.

La télévision affiche depuis plusieurs jours des débordements de violences qui ont lieu lors des manifestations à Bucarest. On incrimine les « ultrasii ». Qui sont-ils ? Qu’en penses-tu ?

On a un slogan qui est sorti dans la rue et qui illustre l’attention toute particulière portée à la violence par les médias : « Le pays brûle et vous filmez des pétards ». Les médias sont censés transmettre le message des protestataires mais focalisent sur des violences isolées, et qui de plus sont une réponse aux interventions brutales et aux abus de la gendarmerie. Il y a beaucoup de manipulations, et aussi une peur d’être manipulé. Nous nous trouvons dans une situation où si les gens ne sont pas très attentifs, la situation peut facilement être détournée et les demandes des protestataires étouffées… comme ça se passe partout dans le monde !

Bien sûr le pouvoir en place utilise des outils d’intimidation et essaye de donner une tournure violente aux protestations pour que le message de la population soit diminué ; il est plus facile pour le gouvernement de mettre en avant les violences que de se remettre en question. C’est parce que les médias, utilisés par le gouvernement, n’ont pas montré les vrais demandes des protestataires que ce slogan a éclos dans la rue. La vérité se trouve dans l’espace public.

Les ultrasii ? C’est un sujet très intéressant. Les manifestations de ces derniers jours on fait découvrir ce groupe particulier au reste de la population roumaine. Ce sont tout d’abord des supporteurs de football. Et dans ce groupe là, on trouve des gens de toutes sortes, appartenant à différentes classes sociales, à différentes classes d’âge. Une partie d’entre eux sont des intellectuels. Ils ont de l’expérience quand il s’agit de se confronter aux forces de l’ordre, et ils sont très bien organisés.

Aujourd’hui, ils se solidarisent avec le reste des protestataires : leur expérience des actions directes a réellement servi aux manifestants. Par exemple à Cluj, ils nous ont beaucoup soutenu, ils nous ont aidé à nous organiser et à créer des slogans très appréciés. « Le pays brûle et vous filmez des pétards », ça vient d’eux. Ces pétards dont le gouvernement préfère discuter… Mais je tiens à dire que l’immense majorité des protestataires est pacifique, et que ce sur quoi il faut mettre l’accent, c’est sur le message porté par les gens qui descendent chaque jour dans la rue. C’est ça l’important.

T’attendais-tu à ce que ce mouvement prenne une telle ampleur ?

Non. J’avais beaucoup d’espoir, je voulais vraiment vivre et expérimenter un changement dans les mentalité, un changement de la classe politique, un changement dans la vie, un changement dans l’attitude des gens face à l’injustice. Et ce qui se passe maintenant c’est incroyable. Je n’ai jamais vu ça, je ne m’y attendais pas. Maintenant que ça se passe, parfois j’ai l’impression que ce n’est pas réel, c’est trop beau, c’est vraiment trop beau !

Moi par exemple, je fais partie d’un groupe d’activistes ; et nous, nous avons de l’expérience dans l’action directe mais nos actions n’ont jamais eu assez de participation… et maintenant, toute cette révolte générale… On est trop contents, trop contents…




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