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Espagne / Travailleurs migrants saisonniers et agriculture paysanne /

Delphine : entre terre, territoires et mobilité humaine
15 décembre 2011 par Kin

Delphine a travaillé dans des associations culturelles et d’éducation populaire avant de s’impliquer dans la solidarité internationale. Elle vient de terminer un travail de sensibilisation auprès de jeunes d’un Lycée Agricole sur les questions de production agricole et de relations interculturelles. Elle mène une vie militante marquée par l’interculturalité et le soutien aux luttes sociales et paysannes. Elle part aujourd’hui en Espagne, pour un échange sur la thématique des droits des migrant-e-s saisonnier-e-s et l’agriculture paysanne.

Peux-tu nous expliquer d’où viennent tes engagements ?

Quand j’avais dix ans, je suis allée vivre en Nouvelle Calédonie suite à la mutation de l’un de mes parents. Je me souviens qu’avant le départ, j’avais une idée fantasmée de ce que ça pouvait être. Pour saisir le nouvel environnement dans lequel je me trouvais, je me référais forcément à ce que je connaissais le mieux, c’est à dire à ma vie en métropole. C’est à cette période de ma vie que j’ai réellement été confrontée à la différence, et depuis lors je ne cesse de me questionner ! Cette expérience, ainsi que de nombreux déménagements et rencontres, m’ont amenée à m’intéresser aux « représentations » : J’entends par là, les images mentales que nous avons, notre manière de concevoir le monde, les gens, l’ensemble des éléments qui nous entourent. J’ai alors interrogé les normes, étudié de plus près les sphères d’influence (discours médiatiques, relations de domination, influence de la religion, etc.). Pour moi c’est primordial d’avoir conscience de ces mécanismes, de déconstruire l’imaginaire collectif, si l’on souhaite construire d’autres types de relations humaines et une meilleure manière de vivre ensemble. Ce que je conteste en somme, c’est les opinions résultant de ces sphères d’influences et qui apparaissent comme des vérités incontestables, alors que l’on aurait beaucoup à apprendre à déconstruire tout ça. C’est l’absurde segmentation de ce monde qui me met en colère, et qui a été le moteur de mes engagements. Cette colère est également une force, nourrit des espoirs, et devient un véritable moteur dans mon investissement associatif et militant. Je crois très fortement au travail collectif, qui au-delà des belles rencontres et de l’enrichissement personnel que cela suscite, permet la mise en place de beaux projets, pousse à la créativité, en alliant relations interculturelles, respect, écoute, réciprocité et humilité. Pour moi c’est toute la beauté du militantisme : décloisonner les espaces et lever les frontières entre les personnes.

Comment relies tu ce travail sur l’interculturalité, à la terre et à l’agriculture ?

Dans mes études, j’ai commencé par faire de la communication. J’ai étoffé ma culture générale, et ai appris beaucoup sur le fonctionnement et le pouvoir d’influence des médias qui participent à alimenter nos représentations du monde et d’autrui. Je me suis opposée à l’idée de travailler dans une entreprise en tant que chargée de communication pour mettre en pratique ces méthodes de "manipulation". J’ai alors poursuivi en troisième année de licence en "arts et cultures", puis en première année de master en langue étrangères appliquée orienté vers les relations interculturelles et la coopération en l’Amérique Latine. Ces différentes thématiques m’ont permis de forger des analyses sur le genre, l’identité, les contre-pouvoirs, les moyens de résiliences ainsi que l’opposition au patriarcat, au capitalisme et à l’eurocentrisme. C’est seulement lors de ma dernière année d’étude en Master 2 coopération et gestion de projets que j’ai abordé la question des politiques agricoles européennes, des systèmes de production au niveau mondial, des difficultés que rencontrent les exploitations familiales et paysannes. Ce que j’ai appris m’a donné envie de faire de ce sujet mon domaine de prédilection. Travailler sur la thématique de l’agriculture et des travailleurs migrants, me permet de faire du lien entre des espaces différenciés, de cultiver l’inter- « cultures » au sens large et de faire des ponts entre des éléments cloisonnés. Autrement dit, faire montre de respect pour toute forme de « vivant », et travailler sur mes propres représentations de la réalité, car il est aussi très important de dépasser ses propres frontières.

Ton travail portera aussi sur le travail saisonnier des migrant-e-s, donc sur la mobilité...

Oui, effectivement. L’agriculture de nos jours est très liée à la migration. C’est une résultante à la fois des politiques agricoles européennes, et du marché international, qui par définition rend inégale la concurrence entre les agriculteurs des différents pays du monde. Je parle ici d’équipements, de capacités de production, mais également de salaires… Et c’est bien ça le problème ! Aujourd’hui, dans le monde agricole, on est dans une logique productiviste, intensive, de rentabilité, qui participe à l’érosion des salaires. Ainsi, je pense que la mobilité est un droit mais à condition que la migration soit choisie et non pas subie. Il ne faut pas que le travail et les droits des travailleurs deviennent le déficit social de la mondialisation. Par exemple, les travailleur-euse-s qui partent de Roumanie abandonnent leurs terres pour aller travailler dans des grandes exploitations en Espagne. Sur le court terme, cela génère des revenus qui permettent de faire vivre leur famille dans leur pays d’origine. Cependant, sur le long terme, c’est l’abandon des terres en Roumanie, et cela déstructure les relations familiales, cela au profit d’une agriculture avec toujours plus d’intrants (engrais chimique, pesticides, etc.) et une alimentation de moins en moins saine. La défense des droits des travailleur-euse-s agricoles me semble donc indispensable pour qu’il soit réellement possible de décloisonner les territoires et les relations entre les différentes populations du monde. Sinon, on continuera de construire un monde avec des réserves de mains d’œuvre à bas prix, sans droits, et avec très peu de reconnaissance sociale, ce qui est inacceptable !

Quels sont tes objectifs concrets pour ta mission en Espagne ?

Je vais travailler avec le SOC (Syndicat des Ouvriers Agricoles) en Andalousie et la Confédération Paysanne, qui luttent contre les politiques agricoles européennes et leurs conséquences sanitaires et sociales. En Andalousie, deux zones d’exploitations agricoles intensives sont connues pour utiliser un grand nombre de migrant-e-s pour le travail saisonnier : Huelva et Almeria. On y constate que la recherche de main d’œuvre toujours moins coûteuse est associée à toute une série d’éléments nuisibles pour une agriculture saine : accès au foncier rendu difficile, mise en concurrence sur le marché internationale, destitution des terres des petits paysans en faveur des plus gros, migration forcée, dégradation des conditions de travail...Je vais donc effectuer un travail de diffusion d’informations concernant les droits des travailleur-euse-s migrant-e-s ainsi que leur application, et observer les trajectoires des migrant-e-s. En parallèle, il s’agit également de favoriser le travail de partenariat, et la mise en lien d’acteurs travaillant sur les même thématiques principalement en Espagne mais aussi avec le Maroc, la Roumanie, et l’Italie, où sont Nidal, Daïka et Antoine. A la suite de la mission, j’aimerais bien pouvoir créer un outil de sensibilisation à destination des jeunes des lycées agricoles en France, sur ma thématique de travail. Il est également question de réaliser un documentaire qui ferait le lien entre les missions des quatre volontaires défendant le droit des travailleurs migrants dans les exploitations agricoles.

Un livre, une chanson, une pièce ou un proverbe qui t’a marquée ?

Un livre : "Histoire de l’utopie planétaire : de la cité prophétique à la société globale" d’Armand Mattelard, qui m’a permis de comprendre beaucoup sur les questions de représentations de nos société contemporaine et du poids de l’histoire. ▪ Un proverbe : "Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait" de Marx Twain.




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