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Egypte / Droits des étrangers /

L’Egypte, une prison à ciel ouvert pour des dizaines de milliers de réfugiés
30 avril 2012 par Nassab

Basés dans la ville du 6 Octobre, à plus de 30 Km du centre-ville du Caire, les locaux du HCR sont difficilement accessibles pour les réfugiés et les demandeurs d’asile placés sous la protection de l’agence onusienne. En ce matin d’avril, certains se sont levés à l’aube pour arriver les premiers sur les lieux et patientent depuis de longues minutes devant les guichets d’accueil. Un peu plus loin, des groupes se sont formés et discutent sur un carré d’herbe dépecé par la sécheresse. Des vendeurs de thé, de café et de sandwichs ont trouvés leur clientèle. A quelques mètres de là, des sacs sont entassés et laissent entrevoir des ustensiles de cuisine, un petit matelas en mousse et des couvertures. Leur propriétaire tente d’alerter le personnel du HCR en brandissant un panneau sur lequel est inscrit “I’m living in this street since 2 months, where is the UNHCR ?“ Ce message laisse déjà entrevoir la trappe dans laquelle sont pris au piège les réfugiés sub-Sahariens vivant en Egypte.

La plupart des personnes présentent ce matin au 6 Octobre sont venues prendre des nouvelles de l’avancée de leur procédure de réinstallation. Une fois le statut de réfugiés délivré à un demandeur d’asile, celui-ci se voit remettre par le HCR une “carte bleue“. Il est alors en mesure de demander une réinstallation dans un autre pays. Si ce bout de papier de couleur assure à son propriétaire une liberté de mouvement à l’intérieur du territoire égyptien, à partir du moment où une personne est placée sous la protection du HCR, elle ne peut plus quitter le pays de façon officielle, car la validité de son passeport prend automatiquement fin. L’unique solution pour espérer partir d’Egypte est de se voir offrir une place de réinstallation, qui entraîne de fait l’acquisition de la nationalité du pays d’accueil.

J. est un réfugié Erythréen de 28 ans. Il a quitté son pays après avoir déserté le service militaire, où il était retenu de force depuis plus de 3 ans. Arrivé au Caire il y 5 ans, il n’a jamais quitté l’Egypte depuis. Le plus dur pour lui reste la séparation d’avec ses proches. “Le seul contact que j’ai avec ma famille se fait par téléphone. Seule ma sœur habite au Caire. Mon frère est réfugié au Soudan et quant à mes parents restés à Asmara, tout comme mon frère, je n’ai aucune chance de les revoir avant d’obtenir une réinstallation dans un autre pays, ce qui me permettrait de voyager. Même si d’une certaine façon l’Egypte m’a permis de retrouver ma liberté, au final, ce pays reste pour tous les réfugiés qui y résident une immense prison à ciel ouvert. “

A quelques mètres de là, Y. patiente en attendant d’être appelé par un des employés du HCR chargé de sa demande de réinstallation. Père de 2 enfants, il est arrivé en Egypte avec sa famille il y a deux ans. Aussitôt après avoir obtenu le statut de réfugiés, ils ont déposé une demande de réinstallation. Depuis, la famille vit dans l’attente. Lorsqu’on lui demande de parler de sa vie quotidienne au Caire, il ne s’arrête plus. “Je ne supporte plus d’habiter ici, ça me rend fou ! Je dois élever deux enfants avec le seul salaire de ma femme qui est obligée de travailler 6 jours sur 7 pour qu’on ait de quoi manger. Le HCR ne nous donne que 400 EGP par mois. Mon loyer m’en coûte déjà 800, alors comment vivre avec ça ? D’ailleurs, en parlant de mon loyer, quand nous avons emménagé dans cet appartement, son prix était de 600 EGP/mois. L’année dernière, après la révolution, le propriétaire est arrivé en m’annonçant que désormais, ce serait 800EGP/mois. J’ai essayé de protester, mais il m’a dit que si ça ne me convenait pas, j’étais libre de partir. On n’a aucun droit ici. Que ce soit avec les chauffeurs de taxi, dans les jardins , les restaurants. Partout où je vais, c’est la même chose, on essaie de me prendre de l’argent parce que je suis étranger. C’est très humiliant pour nous les hommes de vivre grâce au seul travail de nos femmes. Ce sont les seules à pouvoir espérer trouver un travail ici. D’après la loi, on n’a pas le droit de travailler. Mais quoi qu’il en soit, il n’y a déjà pas de travail pour les Egyptiens, alors pour nous… Dans ces conditions, un homme seul peut difficilement survivre ici. La personne que tu vois là-bas avec son panneau (personne évoquée en introduction), ça fait 2 mois qu’il vit devant le HCR. Il ne trouve pas de travail, et avec les 400 EGP que lui donne l’agence, cela ne lui suffit pas pour se payer un appartement et de quoi manger tous les jours“

Comme le rappelait récemment Jean Yves Moisseron, chercheur à l’IRD, plus de la moitié de la population égyptienne vit avec moins de 2$/jour. L’inflation dépasse largement les 10% et le prix des produits alimentaires de base explose. Trouver de quoi se nourrir est donc devenu au cours de ces dernières années la préoccupation essentielle d’une majorité d’Egyptiens. Dans un tel contexte, les réfugiés sont perçus comme des concurrents aux nationaux sur le marché de l’emploi. L’ONG Tadamon s’efforce justement de lutter contre cette vision du problème -souvent relayée par la presse égyptienne- en créant des projets visant à améliorer à la fois les conditions de vie des Egyptiens et des réfugiés, qui cohabitent dans les quartiers populaires de la banlieue du Caire.

Face à cet avenir qui laisse peu de place à l’optimisme, les réfugiés se raccrochent à l’espoir d’un départ à l’étranger. Mais les élus sont rarissimes dans un pays où le taux de réinstallation dépasse à peine les 1%, avec des procédures qui durent parfois plus de 10 ans. Ainsi, lorsque des personnes ont appris que le nombre de places accordées serait plus élevé pour les réfugiés de Saloum, certains se sont rués au poste frontière pour essayer d’obtenir ce précieux sésame, synonyme d’un nouveau départ, d’une nouvelle vie. Dans ces conditions, on peut très bien comprendre que le HCR –chargé de mettre en pratique les politiques restrictives en matière d’asile, instaurées par les gouvernements occidentaux– cristallise sur lui toutes les rancœurs des réfugiés. Comme en un triste écho, J et Y ont tous les deux conclus notre discussion sur une phrase qui était, à quelques mots près, exactement la même. “Le HCR ne cesse de nous répéter que la réinstallation n’est pas un droit, mais un privilège qui nous est accordé. Alors certes ce n’est peut-être pas un droit, mais après les souffrances que nous avons vécu pour arriver jusqu’ici, c’est au moins notre droit de tout faire pour obtenir des conditions de vie décentes et ne pas être condamné à finir notre vie enfermés entre des frontières, sans espoir de pouvoir les franchir un jour. “

Témoignages récoltés dans la ville du 6 Octobre. Avril 2012.




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