Pourquoi est-il important d’espérer ?

Derrière ce titre presque philosophique se cache une réalité plus nuancée. Nous sommes à Romainville, à un mois de la fin de ma mission. Après quasiment deux mois de terrain à faire une contre-enquête sociale, la réunion qui me semblait être la plus importante de ces 6 mois chez APPUII vient de passer. Elle avait pour but de présenter aux locataires les résultats de cette enquête ainsi que le processus de relogement. Rien n’était gagné, après plusieurs conflits qui ont failli tout détruire, je peux enfin dire que ça a été. Des locataires déterminés à se battre, des prises de décisions importantes… Je ne dirais pas que tout roule comme sur des roulettes, mais j’y crois. Malgré des passages parfois rudes entre joie et désillusion, je me suis demandée pourquoi l’espoir, même quand tout s’effondre, ne disparait jamais complètement ?

©Madj B.

Nous sommes mardi 8 février, 15h. J’ai une réunion pour finir de caler la « vraie » réunion du samedi 12 février. Tout est presque en place, c’est l’évènement le plus important de mon service civique, la lumière au bout du tunnel, l’aboutissement de plusieurs mois de travail. Après avoir mené une contre-enquête sociale, pendant plus d’un mois, auprès de locataires qui seront relogés d’ici peu dans le quartier de Gagarine à Romainville, nous nous sommes engagés à faire une restitution des résultats. Des projets alternatifs vont aussi être présenté pour montrer qu’il existe d’autres scénarios possibles. Honnêtement, cette réunion doit aussi servir à mobiliser des habitants pour que le collectif avec lequel nous travaillons soit plus diversifié et plus fort.

Et puis d’un coup, comme ça…

Après avoir passé des mois à essayer de faire prendre au collectif une nouvelle dimension plus importante pour que le noyau s’élargisse ; tout s’effondre. En une phrase, balancé dans la réunion zoom : « J’ai quelque chose à dire, je veux tout arrêter, on ne peut plus travailler ensemble ».

La déception. Pure, simple, comme je l’ai rarement vécue. Finalement, j’ai assisté à l’implosion d’un collectif parce que les membres qui le composent n’arrivent pas à travailler ensemble.

Il y a quelques mois, j’avais naïvement cet espoir qu’avec de la volonté, on pouvait tout faire. Tout changer, tout détruire, tout reconstruire ensemble. Autant vous dire que je me suis prise une claque.

Une grosse, grosse claque.

Si on m’avait effectivement prévenu que le métier de technicienne citoyenne était difficile et bien souvent décevant, je pensais qu’il venait de l’échec face aux bailleurs, Mairies ou autres institutions étatiques.

En réalité, ce n’est pas une très grande surprise. Par contre, la déception n’en est pas moindre. Je pense qu’il faut effectivement savoir s’arrêter quand ça ne va plus. Une part de moi est d’ailleurs soulagée de penser que c’est la fin. Les non-dits, les embrouilles, les colères, l’ambiance pesante : tout ça, c’est terminé.

Enfin, pas vraiment.

La réunion du samedi 12 février a bien eu lieu. On a réussi à se mettre d’accord quelques jours avant sur une seule chose : cette réunion doit se faire, mais surtout se faire dans la bienveillance et le respect.

Alors on l’a fait. Et c’était trop cool.

©Rose Lecat

J’étais heureuse. Parce que j’avais peur. Peur qu’il n’y ait personne, peur que le collectif se divise devant tout le monde.

Et finalement…

Nous étions 50 quand nous n’attendions que 20 personnes. Le collectif n’était pas en guerre. Les gens ont compris. Plus que ça, ils étaient vraiment là. Ils voulaient combattre, lutter, tout comprendre. Ils étaient offusqués, énervés, déterminés pour la suite.

©Rose Lecat

Mais quelles suites ?

Nous sommes tombés d’accord pour organiser une manifestation. Elle n’aura finalement pas lieu. Les désaccords au sein du collectif sont revenu en puissance alors nous allons nous arrêter là pour le travail en commun. Finito. C’est décidé, tout s’arrête. Je ne sais pas s’il y aura une suite. Je ne sais rien du tout. À vrai dire, ce n’est pas très grave de ne pas savoir. J’ai bien compris que je ne contrôlerais jamais tout, mais surtout que personne n’est indispensable.

Tout ce que j’espère, c’est qu’ils lutteront ensemble, pour être entendu. J’espère qu’ils lutteront ensemble, pour changer le monde et le rendre meilleur pour eux, leurs familles, leurs amis et leur quartier.

Tous ces évènements m’ont amenés à me demander pourquoi je suis urbaniste et qu’est-ce que ça signifie pour moi ?

Il y a deux ans, je passais un oral pour entrer dans mon master. On m’a demandé « pour toi, c’est quoi être urbaniste ? ». J’ai répondu que pour moi, être urbaniste, c’est rendre la ville meilleure pour tous ; être urbaniste, c’est changer le monde pour le rendre meilleur et accessible au plus grand nombre.

Et peu importe les déceptions auxquelles je ferais face, je me souviendrais de pourquoi je fais ce travail et de pourquoi c’est si important pour moi.  

Idéaliste, vous dites ? J’ai fait de mon plus grand rêve mon métier. Pourquoi pas vous ?

Ainsi, l’espoir ne disparait jamais complètement. Il ne peut pas disparaitre tant que je n’oublie pas pourquoi je fais les choses et tant que je crois en ce que je fais.

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