Comment ça, je vais être relogé·e ?

Le relogement, ça vous dit quelque chose ?

Au moins de nom me direz-vous sans doute.

À Romainville, la Mairie a un projet depuis bientôt 10 ans : démolir une partie de la cité Youri-Gagarine afin de passer de 100% de logements sociaux à 46%. Rien de bien surprenant a priori, la majorité des projets ANRU ont cette vocation. Bien sûr, on explique aux habitant·e·s (quand la concertation a lieu, ce qui n’est évidemment pas toujours le cas, mais c’est un autre débat) qu’il faut « désenclaver le quartier », « faire de la mixité sociale » et ainsi de suite. C’est bien jolie, ça a même l’air chouette vu de loin. Mais on leur explique que pour cela, il faudra détruire leurs logements.

©Mohamed B

A partir de là, les réactions ne se font pas attendre « Où allons-nous être relogés ? » « Moi, c’est ici ou rien ! ». Puis les banderoles sur les bâtiments « NON AUX DEMOLITIONS », « J’Y SUIS, J’Y RESTE ». Pas de toute, il y a conflit d’intérêt.

Ceux dont l’État veut (presque toujours) se débarrasser, pose leurs bases : non, il n’y aura pas de démolitions. S’ensuit un combat avec des rendez-vous avec la Mairie, de lettre avec accusé de réception, de banderoles, de manifs, de débats, de contre-enquête, de projet alternatif. Tout ça pour une chose : être entendu. La Mairie, l’État et le bailleur ne sont pas en reste : pseudo « ateliers » ou pseudo « concertations » qui sont plus à but consultatif qu’autre chose. Il en découle une charte de relogement réalisée et signée sans les habitant·e·s, et souvent une mauvaise information sur les droits des locataires dans le cadre d’un processus de relogement.

Des galères, de l’espoir, des déceptions. Surtout de l’espoir finalement. L’espoir de sauver son bâtiment, ou à défaut essayer. Ne pas se laisser marcher dessus, ah ça, jamais. Être contre, négocier, toujours avec détermination. Regretter ses choix, ses mots, ses positions. Aller trop loin, tâtonner, demander, comprendre. Encore et toujours. Et ça, de tous les côtés. Être militant, puis arrêter, avoir des moments avec et des moments sans. Penser qu’on est seul·e, puis faire ensemble. C’est ça. Faire ensemble.

Je crois que c’est le plus difficile. J’apprends à faire avec eux, et ils apprennent à faire avec moi. On apprend à apprendre. On apprend à faire, à s’écouter, à s’imposer parfois (un peu). On apprend à se faire entendre, auprès des habitant·e·s, de la mairie, du bailleur, du Préfet. C’est avoir une vision élargie, puis restreinte, c’est parler français, espagnol et arabe sur un même palier. C’est essayer de comprendre le polonais. C’est essayer d’inclure tout le monde, ou mieux, essayer de n’exclure personne. C’est trouver des alternatives, sans toujours y arriver. C’est toujours avoir beaucoup d’espoir. C’est voir les locataires sourire à la fin d’une enquête, c’est voir des visages déçus après une réunion avec le Maire. C’est croire, voir, apprendre, comprendre, se tromper, échouer, faire une pause et recommencer.

C’est être face à des égos qu’on considère parfois comme trop importants. Des gens qui ne s’écoutent pas. Qui ne s’entendent pas. C’est être le cul entre deux chaises. C’est ne pas savoir, c’est douter de soi-même, mais aussi des autres quelques fois. Oui, ça arrive. Tout n’est pas tout rose. Même entre nous. Mais je pense que le pire, ce sont ceux qui ne disent rien. Qui n’informe pas. Qui garde les informations pour eux. De qui je parle ? De la mairie, du bailleur. Encore et toujours, je sais. Ils ont le devoir d’informer les habitant·e·s de leurs droits dans le cadre d’un relogement. Tous leurs droits. Des droits qu’ils peuvent faire valoir.

Dans la loi, le bailleur social doit informer les locataires sur leurs droits dans le cadre d’un processus de relogement, avant de leur faire les fameuses « trois propositions » de relogements. S’il y a bien une chose que les habitant·e·s savent tous, c’est qu’après 3 refus, ils seront expulsés dans les 6 mois suivant.

Je pense que je n’apprends rien à la plupart d’entre vous. Mais, spoiler, il y a beaucoup d’autres choses à savoir !

©Olivia Primé

Il existe quatre étapes du relogement :

1) La décision de démolir (non, personne n’a dit que démolir était une obligation).

2) L’enquête sociale : organisée par le bailleur et la MOUS, elle vise à identifier les besoins des locataires pour leur relogement. Attention, à partir de là, ça devient un peu plus complexe. Cette enquête sociale est composée de quatre temps :

  • L’information : une réunion doit être organisée par le bailleur et les élus pour informer les locataires concernés.
  • La concertation : le bailleur doit faire une concertation avec les amicales de locataires présentent.
  • Le bilan : la concertation doit donner lieu à un bilan qui doit être présenté aux locataires lors d’une réunion publique.
  • La production de la charte : c’est un document qui précise les objectifs locaux en termes de qualité de relogement (prise en charge du déménagement, augmentation des charges ou non). Tout ce qu’il y a dans cette charte est à négocier.

3) Le relogement : le locataire doit recevoir trois propositions qui doivent impérativement être adaptées à ces besoins. Mais ces besoins, c’est quoi ?

Il en existe quatre : a) les ressources du locataire : le loyer + charge doit respecter les ressources du locataire b) la localisation : le locataire doit être relogé dans la même commune ou une commune limitrophe dans un rayon de 5km c) Les besoins du ménage : le logement doit correspondre à la composition familiale des ménages d) l’état du logement : il doit être neuf ou réhabilité depuis moins de 5 ans. Les refus doivent être justifiés afin que les propositions inadaptées ne soient pas comptées parmi les 3 propositions obligatoires.

4) L’évaluation : une à deux fois par an après le relogement, elle est présentée devant le comité de pilotage. Il fait l’objet d’une enquête de satisfaction et d’une évaluation.

Promis, j’arrête de vous embêter, c’est fini. Vous savez (presque) tout.

Je ne fais pas état des liens sociaux que ces relogements brisent quand ils sont mal faits. Je ne m’égarerai pas à vous dire que ce qu’APPUII à appeler les liens de solidarités sont extrêmement important. Parce que les gens donnent, sans compter. Que ces personnes soient des voisins ou des associations. Ils aident, apportent à manger, font les courses pour ceux qui ne peuvent plus se déplacer. Ils parlent, entretiennent le lien social avec les personnes qui en ont envie et besoin. Comment continuer à partager tout ça quand on est loin des siens ? Certains n’ont pas la force de reconstruire ce qui a été acquis en tout une vie au même endroit.

Oups, je me suis peut-être un peu égarée finalement.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *