Une journée pour les droits humains


Vendredi dernier, le 10 décembre, c’était la journée internationale des droits humains. Cette journée célèbre l’anniversaire de l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’Homme par l’Assemblée des Nations Unies en 1948. A Berlin, plusieurs organisations et collectifs ont mis en place une action à laquelle j’ai participé. Je vais vous raconter ma journée.


Tout d’abord, posons le contexte : ce matin, on se réveille sous un manteau blanc. Berlin est couverte de neige et le thermomètre n’affiche pas plus de zéro degré. Ce qui veut dire ressenti moins cinq. Bon. Ce n’est pas ça qui va me refroidir ; car aujourd’hui, je me suis engagée à donner un coup de main pour l’installation et le déroulement d’une action importante. Quelques des plus grandes organisations allemandes et internationales militant pour le respect des droits humains aux frontières ont prévu une action de sensibilisation à l’occasion de cette journée et ont lancé un appel aux bénévoles. Il s’agit de Sea-Watch, Abolish Frontex, Wir Packen’s an, Alarm Phone, Amnesty Deutschland, #LeaveNoOneBehind, Bl!nd Spots, Campact et Paritätischer Gesamtverband.

Un collant thermique sous mon jean, deux paires de chaussettes et cinq épaisseurs, j’enfourche mon vélo direction : Brandenburger Tor, l’une des principales attractions touristiques de la ville. Croisons les doigts pour que je ne glisse pas sur du verglas.

Arrivée sur place vers midi. Je me retrouve face à un immense écran blanc, qui cache le monument historique, pourtant fort imposant. Le concept est le suivant : pendant toute la soirée, des vidéos montrant les différentes frontières européennes seront accompagnées de musique live et de discours.


La toile tirée mesure plus d’une vingtaine de mètres de longueur et se dresse en plein milieu de la Pariser Platz. Beaucoup de monde s’active déjà et, après être allée voir la personne que j’ai contactée sur Signal, je me retrouve rapidement à déplacer des caisses et à brancher des micros. Les détails ne sont pas laissés au hasard : nous passons un bon moment à scotcher le bas de l’écran à une bâche pour cacher les structures métalliques qui le soutiennent. Lors de notre pause déjeuner, des fils de fer sont enroulés en haut du châssis blanc, ressemblant ainsi aux barbelés qui bordent les frontières. Pas de chance : j’ai mal prévu mon coup et mes pieds sont trempés à force de patauger dans de la neige fondue. Heureusement, il y a un grand camion dans lequel on peut se servir du vin chaud et de la soupe.

Après quatre heures d’installation, lorsque la nuit tombe, la toile s’anime enfin. Sur l’écran, des extraits de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies défilent, suivis d’un avertissement : « Warning, the following images can be disturbing » (« Attention, les images qui suivent peuvent heurter la sensibilité »). Ce sont des vidéos de sauvetages en mer, des images de camps de déplacé.e.s, de la frontière Croate, de la forêt Biélorusse, d’attaques policières. Quelques mots se détachent sur l’écran : « Open the Border », « Every Pushback is illegal », « No Borders », « Racism Kills ». Le tout se passe sur fond de musique, ce qui ne manque pas de souligner le registre affectif qu’adopte ce discours. Ça ne plaît pas à tout le monde d’ailleurs : dix minutes après le coup d’envoi des premières vidéos, un homme essaie de détruire la tente où se trouve la régie. Il est rapidement écarté par la police mais la moitié de l’écran est éteinte jusqu’à ce que les branchements soient rétablis.

TW : cris

Le moment de l’incident

Il y a aussi des petites lumières vertes qui commencent à joncher le sol. Cet évènement prend en effet place au sein d’une campagne internationale : #grüneslichtfüraufnahme. Depuis cet été, des milliers de personnes sont bloquées à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Étant repoussées des deux côtés, elles sont forcées de se retrancher dans la forêt, exposées au froid et à la faim. Des habitant.e.s voisin.e.s de ces zones frontalières ont alors commencé à allumer des lumières vertes à leurs fenêtres, signalant ainsi que leur porte resterait ouverte à celles et ceux qui auraient besoin de charger leur téléphone, manger un repas chaud, recevoir des vêtements et du soutien.  Cette vague de solidarité s’est étendue en Allemagne, sous le leitmotiv « Wir haben Platz » (« Nous avons de la place »). A travers ces lumières vertes, les organisations et citoyen.ne.s allemand.e.s se déclarent solidaires, demandent la création de couloirs humanitaires et l’accueil de personnes coincées à la frontière.

L’action va durer jusqu’à 20h et sera bientôt rejointe par la manifestation pour l’égalité des droits humains qui se tenait également aujourd’hui. Quant à moi, je file allumer une petite lumière verte à ma fenêtre.


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