Calais

Je m’appelle Pierre, je suis volontaire avec E&P auprès du réseau Migreurop, pour une mission que j’effectue avec la Plateforme des Soutiens aux Migrant.e.s à Calais.

La grève de la faim à l’Église Saint-Pierre, place Crèvecoeur

L’ambiance est lourde quand je pose mon premier pas à Calais, ce mardi 13 octobre. Comme si le ciel avait souhaité m’avertir d’un funeste présage, ou alors pour me faire la même blague que dans le célèbre « Bienvenue chez les Ch’tis », il prend des couleurs grisâtres voire très sombres et des gouttes commencent à tomber alors que mon trajet touche à sa fin.

Le temps n’est qu’un détail bien trivial comparé au contexte politique et local. Nul n’est besoin de fouiller une par une les rues de la ville pour s’en rendre compte. La gare nous donne déjà le La : la présence policière est intense. Avant elle, la voie ferrée se pare de chaque côté de longues et hautes barrières blanches.

Le lendemain, lors de mon premier jour passé auprès de militant.e.s, de bénévoles et de membres d’associations, le trajet entre le local du Secours Catholique et l’Entrepôt associatif me fait me rendre compte que la gare est loin d’être une exception. A chaque rond-point, sa cohorte de CRS. L’ensemble de la zone portuaire ressemble à une grande forteresse impénétrable dont on peut tout de même voir au travers des grilles la présence des forces de l’ordre françaises et britanniques près de lieux sûrement stratégiques.

Les revendications des grévistes

Cette présence nous rappelle la triste réalité d’un contexte politique dur et répressif envers les migrant.e.s qui souhaitent traverser la Manche ainsi qu’envers leurs soutiens. Une répression qui n’a fait que s’accentuer ces derniers mois. Les destructions de campement sont quotidiennes, la confiscation des biens est devenue monnaie-courante. C’est ce contexte qui a conduit Anaïs, Philippe et Ludovic protester de façon radicale, en faisant une grève de la faim, pour que les autorités réagissent à cette situation difficilement tenable pour les exilé.e.s et leurs soutiens. La mort de Yasser Abdallah le 28 septembre, jeune de 20 ans fauché par un camion, nous rappelle à toutes et tous que la frontière et les politiques migratoires déshumanisent et tuent.

A l’entrée de l’Entrepôt

Un tableau sombre en somme. Mais c’est sans compter la présence de centaines de personnes mobilisées, venant en soutien aux réfugié.e.s au quotidien, dont la détermination et la capacité à créer ensemble quelque chose de différent n’ont d’égal que la gravité de ce qui se joue ici. La fresque ci-dessus semble ne pas être complète, mais l’image qu’elle véhicule est, à mon sens, porteuse d’espoir : l’arbre militant et associatif qui a vu le jour ici à Calais ne cesse de croître. Il bourgeonne en permanence, et il existera tant qu’il y aura besoin de monde pour bousculer les insuffisances d’un État répressif, brutal, qui n’a que sa force pour lui. Lui est empêtré dans sa tentative infructueuse de prouver qu’il peut gérer la situation. Nous sommes là pour lui rappeler que chaque jour passant, il se couvre toujours un peu plus de honte et d’absence totale de contrôle. Peut-être qu’un jour il comprendra.

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