À Malte, quel sort pour les « ni-ni » ?
Sont communément appelées « ni-ni » les personnes dont la demande d’asile a été rejetée par le pays d’accueil et dont le retour au pays d’origine ou « de transit » n’est pas envisageable pour diverses raisons. À Malte, la raison principale est le manque de relations diplomatiques et d’accords de réadmission permettant le renvoi de ces débouté.e.s. Ils et elles ne sont donc ni expulsables, ni régularisables.
Des milliers de personnes sont dans cette situation sur l’île. En 2010, le gouvernement maltais a donc créé le THPN (Temporary Humanitarian Protection – New), protection destinée aux personnes déboutées et ayant démontré un effort – principalement économique – d’intégration à la communauté nationale.
En novembre 2018, au THPN succède le SRA : Specific Residence Authorization. Sur le même fonctionnement, les personnes déboutées, arrivées en situation administrative irrégulière avant le 1er janvier 2016 et ayant travaillé au minimum neuf mois par an durant ces cinq premières années, peuvent faire une demande de SRA auprès d’Identity Malta. Le SRA permet de recevoir un permis de résidence de deux ans renouvelables, l’accès aux protections prévues pour les bénéficiaires du statut de réfugié et de la protection subsidiaire, l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux soins. Enfin, il permet de se mouvoir en dehors du territoire.
Ce système, je le constate, relève d’un intérêt non dissimulé de Malte : faire contribuer économiquement les personnes migrantes. Les déboutés, s’ils veulent voir leurs droits fondamentaux respectés, vont devoir travailler. Mais en temps de COVID, lorsque des milliers de personnes perdent subitement leur emploi pendant plusieurs mois, le SRA peut-il être renouvelé ? Rien n’est moins sûr : c’est la crainte qu’exprimaient déjà les avocat.e.s d’aditus à mon arrivée sur le terrain, début octobre.
Mais depuis deux jours, la situation s’embrase : Identity Malta ferme les demandes d’adhésion au SRA à partir du 31 décembre 2020. Les actuel.le.s titulaires pourront, selon le communiqué officiel, renouveler leur statut. Les membres de la famille des titulaires pourront acquérir ce statut après le 31 décembre, y compris les enfants nés de parents bénéficiaires. Mais pour les personnes qui n’auront pas l’opportunité d’en faire la demande avant le 31 décembre, rien. En une fraction de seconde, leur situation déjà plus que précaire s’est davantage assombrie. Inscrit dans aucune loi, le SRA ne dépend que du bon vouloir des politiciens maltais. Or, il apparaît clairement depuis plusieurs mois que lesdits politiciens n’ont aucune bonne intention envers les personnes exilées. Pas de loi, pas d’attaque en justice. Pas d’attaque en justice, pas de responsabilité de l’État envers les personnes migrantes. Et en un claquement de doigts, une protection qui part en fumée.
Diplômée du master Erasmus Mundus MITRA (migrations transnationales), je suis volontaire à Malte avec aditus et Migreurop. Je m’intéresse aux politiques migratoires européennes et nationales ainsi qu’à leur externalisation au-delà des frontières Schengen.
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