A Göttingen, personne n'est illégal

Oh faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j’aime,
A Göttingen, à Göttingen …

Les paroles de Barbara résonnaient dans ma tête lorsque je suis arrivée vendredi dernier à Göttingen pour assister au rassemblement Tous unis contre le racisme !, organisé conjointement par le réseau universitaire Kritnet, les groupes activistes Solidarity City et We’ll come united, ainsi que le groupe Gespräschkreis Rosa Luxemburg Stiftung.

Ce séminaire était l’occasion de réunir activistes, militants et universitaires pour faire le point sur la situation en Allemagne et en Europe au sujet du racisme et des politiques migratoires. Nous étions 200 à arpenter les salles de la célèbre université de Göttingen – certains pieds nus, sacrés Allemands ! -qui fait la renommée de cette petite ville du sud du pays.
Ambiance sympa, un peu chaotique, avec un programme chargé de nombreux workshops et conférences, des repas collectifs (vegans, bien sûr), des pièces de théâtre, et même une soirée le samedi soir pour les amateurs de dub.

Venue avec les membres de Borderline Europe, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. En apprendre plus, certainement : que se passe-t-il aux frontières Est de l’Europe ? Quelles sont les nouvelles stratégies d’externalisation de l’Union Européenne et leurs impacts récents en Afrique du Nord ? Sur ce point là, je n’ai pas été déçue. Les conférences thématiques Post Border Regime du réseau Kritnet proposaient aux chercheurs et organisations présentes aux frontières de l’Europe de réaliser un compte rendu précis de leurs investigations, et de faire le point sur une situation qui s’aggrave de jour en jour (compte rendu des workshops auxquels j’ai assisté : ici). Comme toujours dans ce genre d’évènement, j’aurais aimé pouvoir remonter le temps à la Hermione Granger pour assister à tous ces ateliers ayant lieu simultanément, notamment celui sur les politiques du Care et du genre organisés par Women In Exile dont on ne m’a dit que du bien… Bon, on ne peut pas être partout.

Mon souhait pour ces trois jours était aussi de faire des rencontres, moi la stagiaire qui débarque un peu, et ce voeu a été exaucé. Il y avait du beau monde à Göttingen : des savants au langage universitaire qui se faisaient régulièrement remonter les bretelles par l’équipe de traducteurs, des groupes d’activistes et d’associations solidaires comme le réseau Solidarity cities, mais aussi des groupes auto-organisés de réfugiés, notamment la présence remarquée d’une délégation d’exilés du centre de premier accueil d’Ellwangen, venus partager leur vécu de violences policières le 3 mai dernier alors qu’ils s’étaient soulevés contre l’expulsion d’un des leurs (voir conférence de presse anglais/français).

Quelles conclusions tirer de ce séminaire ? La mise en commun dimanche matin était sans appel : l’Europe est en souffrance, les espaces démocratiques se font de plus en plus rares face à la montée du racisme et de l’extrême droite. Les conditions de vie pour les exilé.es se détériorent de plus en plus, que ce soit pendant leur odyssée ou à leur arrivée en Europe, dans les camps, ou au quotidien dans leurs pays d’accueil. L’externalisation de la politique de contrôle des frontières de l’Union Européenne voit un durcissement drastique des politiques migratoires et une sécuritisation des frontières en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne.

« Du béton à la Skyline » Communisme plutôt que bulle immobilière. Karl Marx ? Non, Bushido, rappeur allemand ! !

Le monde va mal. Que faire ? Comment utiliser toutes les informations collectées consciencieusement, toutes ces preuves de violations répétées des droits de l’homme, pour mettre les Etats devant leurs responsabilités ? Comment alerter l’opinion publique sur cette situation qui se complexifie de jour en jour, alors même qu’elle est séduite par les discours d’extrême droite ? Quelles stratégies communes faut-il adopter ? Comment travailler ensemble, activistes et universitaires ? Si toutes ces questions fondamentales ont été de nombreuses fois soulevées, abordées, scandées, trois jours n’ont pas été suffisants pour y apporter des réponses. Il n’empêche que les graines ont été semées, et chacun est rentré chez soi avec la conviction qu’il faut agir, ensemble, repenser de nouveaux espaces et de nouveaux  mécanismes de luttes pour répondre à ces attentes.
Résultat des courses : mon carnet d’adresses est plus fourni, j’ai la tête pleine de nouvelles informations plus ou moins déprimantes, mais aussi un agenda de nouvelles rencontres et l’espoir qu’on se reverra tous, le 29 septembre, pour la grande Parade contre le racisme à Hambourg !