Hausse du nombre de viol en Birmanie : le retour de la peine de mort ?
Su Myat a 18 ans lorsqu’elle se fait violée par son beau-frère. Orpheline de père et de mère, la jeune femme n’a pas porté plainte, la honte et la culpabilité ont pris le dessus. Aujourd’hui Su Myat est âgée de 25 ans. Elle regrette de ne pas avoir porté plainte. Elle regrette que son violeur soit resté impuni, mais elle ne souhaite pas pour autant sa mort.
Le mois dernier, le Ministère de l’Intérieur de Birmanie a publié un rapport faisant état de l’augmentation des viols dans l’ensemble du pays. Ce rapport précise qu’en 2017, la région de Rangoun a enregistré 270 viols et le plus haut taux de viol juvénile du pays. Peu après la publication de ce rapport, le viol d’une jeune fille de 26 ans par un chauffeur de taxi à Rangoun a relancé le débat sur la question du viol et de la peine de mort en Birmanie.
Révoltées, de nombreuses femmes se sont prononcées en faveur de l’instauration de la peine de mort à l’encontre des violeurs. L’organisation Myanmar Women’s Safeguarding Team (MWST) ira même jusqu’à organiser une manifestation en faveur de cette peine. Selon Khin Thandar, une des militantes de l’association MWST, « le gouvernement devrait appliquer la peine de mort pour tous les violeurs sans possibilité d’amnistie et de façon rétroactive ».
En marge de cette manifestation une pétition appelant à l’application de la peine de mort en cas de viols a été lancée par l’organisation « 4 Women’s Voice ». Pas moins de 300 000 signatures sont attendues avant d’être envoyée aux parlementaires.
En Birmanie, la peine de mort est toujours en vigueur dans les textes de loi, mais aucune exécution n’a eu lieu depuis 1988. Ce récent engouement de l’opinion publique en faveur de la peine capitale est un risque pour la société birmane. En 2013 déjà, un projet de loi pour l’instauration de la peine de mort en cas de crime de viol avait été rejeté par le parlement. Une seconde proposition au vu des chiffres a moins de chance de se faire rejeter.
La peine de mort créé de nouvelles victimes. Elle n’est pas la solution. Au final, les pays qui utilisent la peine de mort ont des taux de criminalité plus forts que ceux des pays abolitionnistes. Le Texas est l’État américain qui exécute le plus de personnes et pourtant son taux de criminalité a augmenté de 400 % depuis qu’il a réinstauré la peine de mort, le 2 juillet 1976. Selon l’Indice de paix mondiale, seuls deux pays rétentionnistes : le Japon (9e) et Singapour (20e) figurent dans les vingt pays les plus sûrs au monde. Tous les autres ont aboli la peine de mort.
Cette peine est particulièrement dangereuse dans le contexte birman. En effet, les principes du procès équitable sont rarement respectés par le système judiciaire birman, caractérisé par de nombreux cas de corruptions et d’erreurs judiciaires. Il est donc plus que nécessaire de mettre fin aux campagnes promouvant la peine de mort et d’en exiger le retrait total. C’est également ce que prône l’association CYSH, membre de la coalition de l’ASEAN pour l’abolition de la peine de mort à travers ses différentes campagnes de sensibilisation.
Quelles solutions ?
Avant de vouloir renforcer la punition à tout prix et de dangereusement évoquer le rétablissement de la peine de mort, ne vaut-il pas mieux s’attaquer aux sources du problème ?
Un premier élément de réponse se trouve au niveau de l’éducation des garçons. Cheery Zahau, avocat spécialisé dans les droits humains, précise qu’il est dans la tradition et la culture birmane de « laisser faire les hommes ce qu’ils veulent ». Pour cet avocat, faire évoluer, voire faire complètement disparaître cette idée pourrait avoir un réel impact sur le nombre de viols en Birmanie. En outre, le manque d’information et de sensibilisation sur ce sujet est flagrant. La plupart des campagnes d’information sont faites par des femmes pour les femmes, ce qui est nécessaire. Mais il est également indispensable de sensibiliser les hommes depuis leur plus jeune âge sur ce sujet afin qu’ils se sentent eux aussi concernés par le problème.
Par ailleurs, la sexualité est encore un sujet tabou en Birmanie. Les familles comme les écoles ne participent pas ou très peu à l’éducation sexuelle des enfants. Cela renforce le silence des victimes qui ont souvent honte de parler de ce qui leurs sont arrivées. Le rapport du Ministère de l’Intérieur, lui même, comporte des recommandations misogynes. Ce dernier accuse les femmes d’être la cause de leur propre viol. Le ministère de l’intérieur va même jusqu’à demander aux parents, professeurs et journalistes d’inciter les jeunes filles à se vêtir modestement.
Afin d’avancer vers une prévention efficace et d’agir face à l’augmentation du nombre de viols, il est temps que les mentalités évoluent et notamment celles des hautes figures politiques du pays. Ce n’est pas le comportement des victimes qui doit changer, mais celui des violeurs.